J&M, l’échangisme à la bonne franquette

Le 14 février 2011

Depuis 1999, jacquieetmichel.net propose aux adeptes du libertinage à mille mains de s'adonner à leur penchant, loin des canons esthétiques à la Dorcel.

Une paire de bottes, des bas, une jupe noire relevée sur la féminité dans ce qu’elle a de plus intime et de plus cru. Entre les cuisses, le logo de la marque au losange pointe lubriquement vers la matrice. Assise sur le capot, la libertine s’offre pour la sixième fois au regard indiscret de l’objectif.

Cela fait plusieurs semaines que j’étais absente… Je vous joins ces quelques photos pour vous dire que je suis toujours dans les parages ! D’ailleurs, je suis à la recherche pour ce mardi, en fin d’après-midi, d’une femme ou d’un homme pour m’accompagner (moi et l’un de mes collègues) pour une fin de journée coquine.

Bienvenue sur jacquieetmichel.net, haut lieu de l’échangisme depuis 1999. Présenté comme “le plus gros site web francophone consacré à l’échangisme et au voyeurisme”, l’institution est désormais au centre d’un univers constitué de nombreuses ramifications licencieuses (Jacquie et Michel TV, jacquieetmichelcontact, Top J&M). Au fil du temps, elle est devenue le point de rassemblement de toute une communauté désireuse de s’adonner à des plaisirs partagés : clichés coquins, vidéos d’ébats, et bien entendu, rencontres qui laissent libre cours à l’appétit libidineux de ses participants. Jacquie et Michel, “J&M” pour les intimes, est un “havre”, un “temple”, des mots mêmes de ses fondateurs, personnages à la stature mythique qui protègent jalousement leur anonymat.

Reflet des pratiques sexuelles libérées d’une partie de la population française, de quelques centaines de milliers à trois millions d’individus selon les versions, J&M suprend par son ampleur et la confiance que ses “adeptes” (nombreux sont ceux qui se désignent comme tel) y investissent. À visage découvert, monsieur et madame tout le monde, voisin, facteur ou tante éloignée, se dénudent en prônant une jouissance collective et décomplexée. La réalisation d’une sexualité, mais aussi, avec Jacquie et Michel TV, d’une pornographie prosaïque, “proche des gens”, à dix milles lieues des canons esthétiques dorceliens.

Le journal de Jacquie et Michel

Cul et success story à la française : la matière était trop belle pour ne pas en faire un livre. Dans Avis aux amateurs… Le journal de Jacquie et Michel, paru en 2006, Michel, moitié du couple à qui l’on doit la paternité du site (et dont on nous assure l’authenticité des noms), raconte : sa rencontre avec Jacquie, le lancement du site, bénéfice “d’une semaine de stage aux frais de l’Éducation nationale pour apprendre à maîtriser les outils de construction de sites web”, la volonté de créer une alternative aux clubs trop souvent glauques et hors de prix et les pactes libertins, qui instituent le plaisir partagé dans le respect des attentes de chacun. Le tout, sans monétiser l’affaire, ou à la marge : “la sexualité en général, et la sexualité de groupe en particulier, est l’un des derniers espaces de liberté non marchands”, nous dit-on.

On soupçonne la romance ; Michel confirmera par la suite, pour certaines parties. Mais pas pour d’autres. Le volet économique, en particulier, est présenté sous ce même jour : J&M n’est pas une machine à cash. Contacté par nos soins, Michel détaille l’affaire : l’accès payant aux vidéos intégrales et à la visio permettent de couvrir les frais de bande passante (10.000 à 15.000 euros à débourser chaque mois), trois salaires permanents, dont le sien, “un smig, pas plus”, sans oublier les tournages, proposés sur jacquieetmicheltv, entre autres coups annexes. “En tout, une quarantaine de personnes gravitent autour de Jacquie et Michel”.

Jacquie et Michel, l'original

Une identité soigneusement cachée

Un écosystème dont on aura mis du temps à comprendre le fonctionnement réel, la faute à la grande discrétion de ses créateurs. En dehors du livre de 2006, nulle trace du moindre témoignage de Jacquie ou de Michel, la maison d’édition avouant elle-même ignorer leur identité. Réticent à se confier, cherchant à se protéger des regards indiscrets, Michel finit par nous expliquer qu’il ne veut pas “passer pour un pornocrate”. Cet anonymat, impératif paradoxal des libertins qui se dévoilent sans s’identifier, nourrit un grand nombre de fantasmes, dans le cas de Jacquie et Michel :

C’est étrange de dire cela, mais je crois que je suis un peu devenu une légende…

Il est aussi certainement à l’origine du succès de l’Å“uvre, que Michel ne s’explique pas : “tout s’est fait un peu par hasard, un pas après l’autre”. Lancé par un couple de libertins, pour les libertins, dans l’objectif de mieux vivre leur libertinage, le site semble avoir réussi à établir un véritable climat de confiance. J&M n’est pas un énième carrefour porno du web, c’est une communauté, une grande famille, pour laquelle ses membres expriment de la gratitude. Et le “merci Jacquie et Michel !”, qui vient signer les festivités (prononcé face caméra, marqué sur un panneau, ou, plus original, sur le séant de madame)  est aujourd’hui devenu incontournable . Une attention qu’un YouPorn ne pourra jamais connaître.

Et les nains, aussi

Les “tube like”, parlons-en. “Des voyous, des gangsters de bas étage, qui volent les vidéos sous prétexte que les internautes les ont mises en ligne et que de ce fait, on peut les exploiter sans problème”, s’emporte Michel. Car si J&M reste une entreprise à visage humain, il n’en reste pas moins qu’en se développant, mi-amat, mi-pro, elle pâtit de certaines pratiques courantes sur Internet, au même titre que des boîtes de production traditionnelles. Car depuis le lancement du tout premier site, jacquieetmichel.net, il y a douze ans, “de l’eau a coulé sous les ponts”, explique Michel. Toujours actif, jamais modifié depuis son lancement (fond noir et multiples gifs animés en témoignent), il est aujourd’hui accompagné de plate-formes beaucoup moins archaïques, proposant à la communauté de participer à des visio friponnes, de constituer un réseau social, ou bien encore de prendre part à la réalisation de “porno reportages”.

Avec une vingtaine de tournages par mois, J&M propose de nouvelles sensations aux libertins. Beaucoup ne dépassent pas le seul envoi d’une demande de participation. Le passage à l’acte est lui beaucoup plus difficile et exige de la part de Michel et son équipe une certaine flexibilité :

Pour être sûr d’avoir trois, quatre personnes le jour du rendez-vous, on en convoque une vingtaine. Et s’ils viennent, ce n’est pas gagné ! Les hommes ont systématiquement du mal à entrer en érection devant la caméra. On prévoit alors quelqu’un pour les remplacer et eux se contentent de regarder. Entre nous, on les appelle les “pots de fleurs”.

À l’instar des photos postées sur jacquieetmichel.net, les films proposés sur la version TV misent sur la proximité avec les “vrais gens”. “On ne coupe pas tout. On filme tout. S’il y a des nains de jardin devant la maison, on filme. Même certaines scènes, qui apparaîtront clean chez Dorcel, on va montrer comment ça se passe réellement, sans rentrer dans le gore.”

Une option qui paye puisqu’avec 300.000 visiteurs chaque jour, la galaxie J&M continue de séduire. “Le trafic n’a jamais cessé de s’accroitre depuis 1999. Sans arrêt, de mois en mois”, se réjouit Michel, qui, tout en confessant poursuivre ses activités de libertin, mais sans Jacquie, explique que des nouvelles pistes vont être explorées sur ses sites. Et d’ajouter qu’il continuera à développer l’institution, en “famille”, avec des “gens de confiance. Au feeling. Parce que j’aime ça”.

Illustrations captures d’écran de jacquieetmichel.net et CC FlickR Sérgio Savaman Savarese

Retrouvez notre dossier et la photo de Une de Marion Kotlarski, CC pour OWNI :

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