Passés numériques

Le 27 octobre 2010

Faut-il s'offusquer que des parents postent sur Facebook les images de leur progéniture à peine née ? La confusion entre identité numérique et publication d'images entraine la peur de certains.

J’ai lu sur le Bloc-notes visuel, d’André Gunthert un commentaire ironique d’un court article publié sur LeMonde.fr qui découvrait horresco refferens que des parents postaient sur Facebook les images de leur progéniture à peine née :

L’alarmisme du Monde provient de la confusion entre téléchargement et “identité numérique” commente André Gunthert.

Il est vrai qu’une image ne fait pas une identité numérique. Celle-ci se construit au fil du temps : il faut l’accumulation des messages, des images, mais aussi des commentaires et les liens que font les autres pour que quelque chose comme une identité numérique émerge.

Il faut dire à la décharge de LeMonde.fr que l’alarmisme est déjà dans l’article de référence :

D’abord, vous créez une histoire digitale pour un être humain qui va le ou la suivre le reste de son existence. Quelle sorte d’empreinte voulez-vous pour votre enfant, et qu’est ce qu’ils penseront  plus tard de ce que vous avez mis en ligne ?

Ensuite, cela rappelle la nécessité pour les parents d’être soucieux des réglages de leur réseau sociaux et de leurs autres profils. Sinon, partager l’image d’un bébé et une information peut ne par être partagé uniquement avec des amis et la famille mais avec tout l’Internet AVG CEO JR Smith

Un fait demeure : un enfant qui nait aujourd’hui aura un historique numérique presque complet de son existence alors que les plus geeks d’entre nous ne peuvent guère remonter au-delà de 20 ans. il faut comparer cela à ce que dit Mc Luhan qui faisait remarquer dans les ‘50 qu’un enfant de 10 ans a déjà vu plus d’images qu’un homme de 65 ans.

Plusieurs remarques. D’abord, nous sommes devenus des méga-producteurs de documents. Nous documentons nos vies et celles de nos proches, nous en sommes les patients archivistes et bibliothécaires. Les visions romantiques qui rapprochaient l’homme, la bibliothèque et le livre deviennent une réalité dans le cyberespace. L’homme y devient un document comme les autres (Olivier Ertzcheid).

Ensuite, le cyberespace est de moins en moins vu comme un monde “virtuel” et de plus en plus vu comme un monde dans lequel on peut laisser son empreinte. Le monde comme virtuel était celui du monde des idées. L’internet était la caverne platonicienne dans laquelle on pouvait admirer les splendeurs idées mathématiques. Il est maintenant de plus en plus un monde sensible qui garde trace de nos actions.

Enfin, les problèmes viennent rarement d’inconnus. Les difficultés que nous avons n  viennent de nos proches, de nos familles. Et les amis d’aujourd’hui ne seront pas nécessairement les amis de demain. Réserver des images à son cercle de connaissances n’offre aucune garantie tout simplement parce que qu’il n’y a pas de garantie quant à l’avenir.

Pour le psychologue, l’avenir s’annonce plein de surprises : comment ferons nous avec les archives familiales ? Allons nous plonger dans les milliers de documents de la famille pour mieux nous comprendre ? Que deviendront les légendes familiales avec tant de documents en ligne ? Comment fonctionneront les non-dits et autres secrets ? Comment sera investi le passé ?

Crédit photo : FlickR CC, Looking into the past par Nomad Tales

>> Article publié initialement sur Psy et Geek

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