Mind the logo, Gap!

Le 14 octobre 2010

Sous la pression de ses clients qui se sont mobilisés via les réseaux sociaux, GAP a décidé de revenir à l'ancienne version de son logo. Un exemple frappant de l'appropriation des marques par leurs clients.

Le nouveau logo Gap a donc tenu … 7 jours. A peine sorti, et sous le flot des critiques, Gap a reculé et en est revenu à son bon vieux logo historique. Sur cette base, j’observe des réactions contrastées, mais qui me semble largement marqué par une forme de malaise. Ne sommes nous pas face à une forme de dictature du (net)prolétariat ? hostile au changement et s’imposant aux marques. Derrière ce qui pourrait ressembler à la manifestation du pouvoir des consommateurs, les marques doivent-elles craindre de changer ou innover ? Il ne faut pas s’enflammer et observer des raisons objectives à ce qui est un accident industriel, mais aussi observer quelques signaux faibles …

Changer, pour quoi faire ?

Quand j’ai vu le nouveau logo, je n’y ai surtout rien vu. Et j’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé chez Gap le début de l’ombre d’une signification à ce changement.
Changer est un signal au bout duquel il y a un message. S’il n’y a pas de message, le changement n’a aucun sens autre – potentiellement – que celui de la lubie d’un exécutif en mal d’appropriation. De fait, cela n’a surtout aucune signification pour le client, alors que cela affecte directement son expérience. Le logo n’est pas qu’un simple code de reconnaissance, mais un code d’appartenance s’il en est. Changer le logo Gap sans l’inscrire dans une page qui se tourne, c’est déconnecter la marque de la mythologie de celle-ci, qui appartient d’abord et avant tout au client, et que le marketing se doit de faire vibrer.
Ce qui me frappe le plus dans l’histoire de Gap, c’est surtout la reddition en rase campagne, qui n’a d’autre signification que l’absence d’argumentation et de projet, ou l’abandon de ceux-ci, s’ils ont existé, ce qui serait pire.

Faut-il écouter les gens, ou leur demander ce qu’ils en pensent ?

J’ai été relire un billet que j’avais commis il y a un bon moment maintenant : Écouter ses clients, pour quoi faire ?. J’y expliquait que l’on n’écoutait pas ses clients pour faire ce qu’ils demandent, mais pour les comprendre. En effet, si vos clients vous demandent de faire quelque chose, le jour où vous serez très fier de leur dire que c’est fait, vous ne recevrez que des haussements d’épaules disant au mieux que ce n’est pas trop tôt, surtout que vous auriez du le comprendre tout seul et il y a trop longtemps. Dell a montré il y a longtemps que c’était aussi une bonne première étape de démarche de reconstruction, quand on est devenu un punching-ball. Comprendre est surtout la meilleure manière d’appréhender ce qui fait adhésion et appartenance, donc de construire et développer l’énergie qu’il y a dedans. C’est à ça que sert le web social d’abord. C’est le sens de ce qu’il ne faut plus appeler de la e-reputation.

Dans le cas de Gap, on est simplement dans le contexte que changer doit avoir un sens. S’il n’y en a pas, il n’y a rien à expliquer aux gens qui sont par nature hostile au changement. Cela laisse la place à tous les arguments contre. Beaucoup ont dit que Gap avait reculé en écoutant le message, celui des mécontents. C’est parfaitement vrai. Il n’y avait personne pour développer une quelconque forme de justification.

C’est d’autant plus problématique que Gap n’est pas une marque avec une culture du changement. Changer n’est pas le problème d’un Apple, notamment, du genre de ces marques qui impriment un vrai rythme de renouvellement, sans parler de la mise en scène. Le comble est sans doute que, dans l’univers de la mode, il y a matière à créer du renouvellement et une dynamique, non ? Quand on n’a pas cela, le changement sera un événement lourd de sens caché, d’attente d’un message, qu’il sera bon d’avoir soutenu avec un travail préalable d’évangélisation, un signal de progrès propre à susciter une adhésion, à fabriquer des soutiens qui répondent aux critiques.

Les gens sont-ils casaniers sinon réactionnaires ?

Oui, les gens sont comme ça. Les gens aiment les habitudes. Les gens ne sont pas à l’aise dans la nouveauté car ils ne la maîtrisent pas. Ils aiment beaucoup, par contre, revisiter des classiques. C’est d’ailleurs le propre des interfaces innovante de ré-interpréter des modes d’interactions culturels, ou d’être intuitif et simple.

Il est assez croustillant qu’au même moment ou Gap bat en retraite, le CEO de Digg recule lui aussi. Une habitude de cette vieille maison du web 2, depuis 2008 et les premières révoltes de ses usagers face au changement. Digg nous a appris que les gens investissent, au sens propre du terme, les environnements sociaux, les lieux d’appartenances, et qu’ils détestent par dessous tout que les règles du jeu changent et soient susceptible de remettre en cause leur investissement. C’est un peu comme si les utilisateurs de Digg disaient aux actionnaires et à l’exécutifs : gardez l’argent et surtout, ne changez rien ! Il y a peut-être un peu de ça aussi chez Gap.

Pensez aussi aux reculades de Facebook, qui a depuis changé de tactique en instillant le changement simultanément au fait de rajouter des choses dans la caisse à jouet.

Il faut peut-être se poser la question de savoir si les marques, en tous les cas celles qui ont su créer du sentiment d’appartenance, ne ressemblent pas aussi à une force de société, en tous les cas des biens communs qui servent nos intérêts dans les réseaux sociaux que nous entretenons. Il est patent que la consommation fabrique des matériaux à l’édification de ces constructions. Une bonne raison pour ne pas aimer le changement de ces briques, surtout si on n’en comprend pas le sens.

La frontière de l’entreprise est tombée, les clients en font partie

Le code de marque appartient aux clients, c’est en tous les cas un bien commun partagé avec la marque. Il est constitutif de l’appartenance, cette chose précieuse qui caractérise l’attachement entre une marques et ses clients. Il ne peut pas être soumis aux diktats d’un seul. La conclusion est sans doute que l’entreprise étendue est plus qu’une vue de l’esprit, qu’elle ne procède pas d’une décision de la faire, qu’elle l’est déjà tacitement. A ignorer que le monde a changé, à penser que de ne pas changer n’a aucun impact, les marques, entreprises et institutions font une grave erreur.

Cet article a été initialement publié sur le blog de groupeReflect / Parole d’expert

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