OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Facebook étend la statusphère http://owni.fr/2011/12/26/extension-du-domaine-de-la-statusphere/ http://owni.fr/2011/12/26/extension-du-domaine-de-la-statusphere/#comments Mon, 26 Dec 2011 14:50:08 +0000 Olivier Ertzscheid http://owni.fr/?p=91462 C’est une nouvelle presque anodine. Facebook vient d’autoriser la publication de statuts comprenant jusqu’à plus de 63 000 caractères. Soit l’équivalent d’une vingtaine de pages d’un traitement de texte classique. Largement de quoi exprimer bien plus qu’un simple “WTF” ou autre “VDM”.

Avec – comme le rappelle l’image ci-dessous – cette augmentation, cette densification récente de l’espace alloué aux “statuts”, Facebook tente d’asseoir sa base documentaire (au sens propre). A l’opposé de la contrainte des 140 signes de Twitter, il décide donc d’allouer à chacun un espace de publication affranchi de toute contrainte de brièveté, il décide de rompre avec une forme de fragmentation, de fractalisation de l’écrit souvent analysée – à tort – comme consubstantielle du numérique.

D’abord, il s’agit de sortir du modèle de la page (entendez la “page Facebook”), beaucoup moins consultée, utilisée (et donc rentabilisée) parce que beaucoup moins installée dans un espace naturellement conversationnel (relire, dans ce billet, les explications de danah boyd sur le sujet).

Ensuite il s’agit également de capter des pratiques en déplacement, de faire le pari d’un environnement Facebook encore plus immersif pour les usagers, qui, en leur offrant un espace de publication large, pourrait par exemple les dispenser d’utiliser d’autres espaces de publication traditionnellement exempts de toute contrainte de brièveté (par exemple de tenir un blog, puisque qu’ils ont désormais la place de raconter la même chose sur leur “mur”). Or chacun peut constater que l’immense majorité des utilisateurs de Facebook est plutôt adepte de la forme courte que de la longue dissertation. Il est peu probable que cette pratique change à court terme. Mais nombre d’utilisateurs jusqu’ici obligés de jongler entre des espaces conversationnels brefs (Facebook et ses statuts) et des espaces discursifs longs (leurs blogs) pourront être séduits par la possibilité d’enrichir le deuxième univers de toute la force d’exposition et de réactivité du premier. Quant aux “primo-entrants” du numérique, pour lesquels l’inscription sur Facebook reste souvent le rite fondateur, la possibilité de disposer dès leurs premiers pas d’un espace de publication aussi large et dense que nécessaire risque de les enfermer un peu plus au sein de l’écosystème des 700 millions d’amis, en leur ôtant l’idée de se mettre à la recherche d’autres espaces discursifs ou conversationnels.

Enfin, mais probablement à la marge, il s’agit de perfectionner la “connaissance” que Facebook a de chacun de ses utilisateurs, en s’offrant la possibilité de travailler non plus seulement sur des conversations mais sur d’authentiques “discours”, sur de larges espaces discursifs.

L’avenir dira si la mayonnaise prend, si les utilisateurs exploitent ce nouvel espace de publication, et si cela se fait au détriment d’autres espaces, ou en complémentarité.

Il semble en tout cas manifeste, à observer de l’extérieur la multiplicité des stratégies documentaires (ou de redocumentarisation) de Facebook, que de la même manière qu’il tente d’épuiser une écologie du lien en lui substituant une économie du “Like” (remember, “le like tuera le lien“), il s’efforce de territorialiser à l’extrême – et à son seul profit – les expressions documentaires dans leur gamme la plus large : depuis le “poke” (activité et fonction phatique) jusqu’au “Like” (fonction conative détournée ou triangulée dans la mesure ou Facebook est, in fine, également un récepteur) en passant par toute l’étendue d’une captation d’une fonction expressive pouvant désormais s’étendre sur plus de 60 000 caractères.

Se différencier de Twitter

Même s’il existe quelques similarités entre les deux services, Facebook et Twitter achèvent donc de se différencier, et cette différenciation permet d’éclairer une partie de leurs usages dédiés. Sur Twitter prévaut une écriture de la brièveté, de la contrainte, de la brièveté contrainte. Cette brièveté contrainte implique (parfois) un réel travail “littéraire” (on s’applique à faire plus court) et oblige à maîtriser un certain nombre de codes (hashtags, acronymes, etc.) qui font alors parfois office de stratégies de contournement (pour une analyse plus complète de la littératie de Twitter, relire “Twitter, le hiératique contre le hiérarchique”). Facebook se présente en regard comme une anti-littératie, un parangon du web pousse-bouton.

Les stratégies attentionnelles s’appuyant sur des formes courtes et sur des audiences présentes – pour l’essentiel – au moment de l’énonciation véhiculent davantage de critères de différenciation (d’où l’intérêt des journalistes et autres veilleurs de métier pour l’écosystème de Twitter), mais elles sont plus difficilement monétisables. A l’inverse, les stratégies attentionnelles mobilisées dans des espaces de publication plus larges et garantissant la présence permanente de ce que danah boyd appelle les “audiences invisibles“, jouent sur l’effet d’uniformisation (tout le monde partage les mêmes vidéos) pour caractériser a posteriori des segments d’audience directement monétisables.

Faire le mur. J’ignore si un sociologue, un linguiste ou un scénariste du biopic de Mark Zuckerberg s’est penché sur l’origine du choix du mot “mur” pour nommer un espace de publication. Probablement y a-t-il eu la volonté – consciente ou non – de faire référence à l’univers du graf, chacun venant ainsi “graffiter” les limites de l’intimité de l’autre, l’invitant, l’incitant ou le contraignant au dialogue, à l’échange. En étendant aujourd’hui les murs des 700 millions d’habitants de ce gigantesque lotissement dans lequel la proximité ne vaut qu’en tant qu’elle inaugure une promiscuité contrôlable, instrumentalisable, Facebook étend également son propre espace périphérique, s’isolant encore plus d’autres territoires documentaires. Il poursuit l’implacable logique des “Walled Gardens” décrits par Tim Berners Lee.

Refrain connu. La première chaîne française en termes d’audience est la propriété du groupe Bouygues. Un groupe de maçons. Des gens qui batissent des murs. Le premier site de la planète en termes d’audience ne tient que par les murs qu’il offre à chacun. Peut-être est-il temps de faire le mur.

(pour les djeun’s qui lisent ce blog, le dessin de Wiaz ci-dessus à une histoire)

Billet initialement publié sur Affordance.info

Image CC Flickr Attribution owenwbrown

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Faut-il un statut pour les commentateurs ? http://owni.fr/2010/01/04/faut-il-un-statut-pour-les-commentateurs/ http://owni.fr/2010/01/04/faut-il-un-statut-pour-les-commentateurs/#comments Mon, 04 Jan 2010 11:01:39 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=6697

Notre activité en ligne est un puissant facteur de décentralisation. Quand nous écrivons un peu partout, nous multiplions les sources de textes et nous noyons les sources jadis considérées officielles (journaux, livres, revues scientifiques…).

Cette décentralisation, ce passage d’un monde discontinu, un monde avec quelques centres, à un monde totalement décentré, nous amène vers une société de flux, une société beaucoup plus continue que par le passé.

Tous les statuts anciens volent alors en éclat à cause de l’absence de frontière. Pourquoi questionnons-nous souvent le statut des journalistes ? Tout simplement parce que le monde des médias est le premier à subir l’émergence du Flux. Il n’a pas essuyé un tsunami mais reçoit un déluge permanent. Le même phénomène frappera tous les autres domaines, ce n’est qu’une question de temps.

Les statuts explosent non pas en attendant que nous en créions d’autres mais parce que la notion de statut n’a plus aucun sens dans le Flux, un monde où nous sommes de plus en plus divers, de plus en plus uns et irréductibles. À quoi bon un statut qui ne vaut que pour une personne ?

Dans notre monde décentralisé, chercher à statufier, les blogueurs par exemple, serait vouloir ramener ce monde à un état centralisé, un monde que nous connaissons bien car c’est le monde moderne que nous avons hérité de la révolution industrielle.

Nous devons au contraire apprendre à vivre la décentralisation extrême, apprendre à considérer les personnes avec qui nous interagissons pour ce quelles sont et non plus ce qu’elles représentent. Nous devons nous intéresser aux contenus propulsés et non pas à leur système de propulsion.

Je propulse avec WordPress. D’autres propulsent dans les pages du Monde. Ça ne fait aucune différence. Ce qui m’intéresse c’est le propulseur. Vous avouerez qu’on l’oublie souvent quand il utilise Le Monde. On suppose trop hâtivement que sa fusée est plus importante que lui. Que son entreprise le dépasse. Cela je n’en veux plus, cela c’est le monde industriel qui nie l’individu, qui l’assimile à un statut.

Quand je rencontre quelqu’un, je déteste qu’il me demande ce que je fais dans la vie. J’entends : « Dans quelle case tu te ranges ? » Je réponds souvent un truc du genre : « Je profite. » ou « Je vis. »

Pour moi, le propulseur est autant l’auteur d’un contenu que celui qui en parle, avec retweet par exemple, qu’un commentateur. C’est un concept suffisamment large pour qu’il englobe tous ceux qui poussent des bits dans le Flux, pour que ce concept de propulseur échappe à toute tentative de saucissonnage.

Par exemple, je ne crois qu’il ne faut différencier les producteurs d’information des propulseurs. On ne produit qu’en réaction à des évènements survenus dans notre vie. J’écris ce billet en réaction à vos commentaires, aux commentaires de Narvic et d’autres un peu partout. Je ne suis pas un producteur, je suis comme vous un propulseur, j’insuffle la vie dans le Flux.

Titre du prochain billet : Faut-il un statut pour pouvoir discuter dans les cafés ? Notez que ce billet n’est qu’un commentaire du précédent, lui même du précédent. Créer des statuts peut entraîner une mise en abyme vertigineuse.

» Article initialement propulsé sur le Peuple des Connecteurs

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