OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Cellules souches: idéologie et science parlementaires http://owni.fr/2011/06/30/cellules-souches-ideologie-parlementaires/ http://owni.fr/2011/06/30/cellules-souches-ideologie-parlementaires/#comments Thu, 30 Jun 2011 14:29:10 +0000 Roud http://owni.fr/?p=72311

Dans un discours devant les militants, samedi 25 juin, François Fillon a fustigé le décalage entre les défis que le monde nous lance, et les réponses si légères et si décalées qui sont avancées (source Le Monde).

Il parlait bien sûr du Parti Socialiste. Peut-être aurait-il dû plutôt parler de ce que vient de voter le Parlement en matière de cellules souches.

Car s’il y a bien un exemple patent où l’idéologie modèle les décisions politiques, c’est dans le domaine de la recherche, et en particulier la recherche biomédicale.

En France, les nouvelles lois sur la bioéthique, bien loin de simplifier la donne, vont en effet mettre de nouveaux bâtons dans les roues du secteur. Il n’est pas impossible que le domaine des cellules souches embryonnaires, déjà bien peu vaillant car simplement toléré par dérogation, finisse par mourir en France. La raison est donnée par Marc Peschanski dans Nature News :

Désormais, il nous appartient à nous, chercheurs, de démontrer qu’il n’existe pas d’alternative à nos propres recherches sur les cellules souches [embryonnaires], alors que la charge de la preuve reposait auparavant sur l’Agence de la bio-médecine.

Bref, non seulement le chercheur doit penser, chercher, rédiger des demandes de financement (non garanties), mais en plus, il doit maintenant démontrer qu’il ne peut pas faire autrement dans ses recherches !

L’inattendu au cœur de la recherche

On est bien loin de l’idéal de liberté académique ou encore du programme Vannevar Bush et de la “République des Sciences” après guerre :

Les découvertes entrainant les progrès médicaux ont souvent pour origine des domaines obscurs ou inattendus, et il est certain qu’il en sera de même à l’avenir. Il est très probable que les progrès dans le traitement des maladies cardio-vasculaires, rénales, du cancer et d’autres maladies similaires seront le résultat d’avancées fondamentales dans des sujets sans rapport avec ces maladies, et peut-être même d’une façon totalement inattendue pour le chercheur spécialiste. Les progrès futurs nécessitent que la médecine toute entière, et les sciences fondamentales telles que la chimie, la physique, l’anatomie, la biochimie, la physiologie, la pharmacologie, la bactériologie, la pathologie, la parasitologie. etc… soient largement développées.

Oui, l’inattendu est au cœur de la recherche scientifique, il est donc absurde voire contre-productif pour le chercheur lui-même d’essayer de montrer que d’autres systèmes qu’il ne connaît pas pourraient (ou pas) potentiellement répondre aux questions posées ! Sans compter que si d’autres pistes alternatives existent pour résoudre un problème, seront-elles pour autant financées si elles sont beaucoup plus chères ?

Une volonté de tuer la recherche sur les cellules souches ?

En réalité, on peut même se demander si le but de la loi n’est pas fondamentalement de tuer le domaine tout en faisant bonne figure, lorsque la loi de bioéthique précise que :

Les recherches alternatives à celles sur l’embryon humain et conformes à l’éthique doivent être favorisées.

Le sous-entendu est clair : les recherches sur les cellules souches embryonnaires ne seraient donc pas éthiques. Peu importe l’enjeu scientifique, peu importe même le débat éthique, les sous-entendus religieux (la fameuse équation embryon=être humain) l’ont emporté. Au Sénat, l’argument classique a été énoncé par M. Bruno Retailleau, sénateur MPF de Vendée :

Ce changement de régime juridique représente également une régression anthropologique. Je sais qu’il n’y a pas d’accord entre nous sur le moment où l’on franchit le seuil de la vie. Qui peut dire quand commence la vie ? Pourtant, nous voyons bien qu’il existe un continuum entre ces cellules qui se multiplient dans les premiers jours et ce qui deviendra vraiment une personne humaine, un sujet de droit. Or ce continuum, qui résulte du fait que chaque étape du développement de l’embryon contient la précédente, rend impossible la détermination précise du seuil d’entrée des cellules dans le champ de la vie humaine.

C’est vrai, je ne suis pas capable de dire quand un embryon devient un être humain, je ne suis pas capable de définir ce qu’est exactement un être humain. En revanche, je suis capable de donner une condition partagée par tous les être humains : par exemple, tous les être humains que je connais ont un cœur, des muscles, des neurones. Choses que n’ont pas des embryons au premier stade de développement. L’argument du continuum m’a toujours semblé fallacieux dans la mesure où les transformations successives de l’embryon (gastrulation, neurulation, etc…) changent évidemment sa nature, tout comme la fécondation elle-même.

Que penser aussi de ce genre d’arguments mystico-religieux sur la “toute-puissance” que les chercheurs transgresseraient (Marie-Thérèse Hermange, sénatrice UMP de Paris) :

Il ne s’agit pas de s’opposer à la recherche en tant que telle, mais il convient de ne pas oublier non plus que le coût de cette politique est la destruction d’un début de vie humaine. J’observe d’ailleurs que le début de la vie humaine intéresse les chercheurs dans les cinq premiers jours, c’est-à-dire au moment où les cellules sont « totipotentes », selon le terme technique employé, ce qui illustre bien le fait que cette « toute-puissance » initiale joue un rôle majeur dans le développement futur de l’être humain. Il me semble donc important d’utiliser au maximum les solutions de rechange existantes qui sont bien plus efficaces.

Pour répondre sur le même mode, la toute-puissance, c’est aussi le Chaos fondateur des mythes grecs, celui qui recèle tout le potentiel mais qui doit s’auto-organiser pour l’exprimer et engendrer les Dieux. Sans cette auto-organisation, il n’ est rien d’autre qu’un potentiel inutile, un chaos au sens commun du terme. Les Anciens avaient peut-être un sens plus développé du sacré que la civilisation judéo-chrétienne.

Le Parlement français est en réalité sur la même ligne que les mouvements chrétiens conservateurs américains, qui, suite à la levée des obstacles juridiques bushiens par Obama, se sont lancés il y a quelques mois dans une grande bataille judiciaire visant à interdire la recherche sur les cellules souches pour les mêmes raisons et avec les mêmes arguments “alternatifs” (cellules souches adultes, cellules iPS) utilisés par les Parlementaires français. J’en avais parlé ici; le dernier épisode en date étant que les choses ont l’air de s’arranger pour les chercheurs sur les cellules souches embryonnaires.

Alors que la campagne de 2012 se lance, et qu’à n’en pas douter on parlera d’avenir et de compétitivité future pour la France, le Parlement Français a pris une décision lourde de conséquence pour la recherche et la future industrie biomédicale française. Au nom de principes moraux pour le moins discutable, et sans réel débat éthique et scientifique fondé, le Parlement vient peut-être de porter le dernier coup fatal à ce domaine de recherche en France.

En 2012, votons pour la Science.


Photos Wikimedia Commons : Domaine public et CC-by Nissim Benvenisty

Article publié initialement sur Matières vivantes

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Fillon entrouvre les données publiques http://owni.fr/2011/05/30/fillon-entrouvre-les-donnees-publiques/ http://owni.fr/2011/05/30/fillon-entrouvre-les-donnees-publiques/#comments Mon, 30 May 2011 12:00:56 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=64890 François Fillon a fait publier un décret et une circulaire relative à l’ouverture des données publiques le vendredi 27 mai. Le texte était attendu depuis plusieurs mois ; il devait annoncer la direction de l’action du Premier Ministre vis-à-vis de l’ouverture des données publiques.

Que dit le décret ?

En gros, les services du premier ministre (lire ‘Etalab’) reprennent en main les conditions de diffusion des informations publiques. Si une administration veut faire payer la réutilisation d’une série de données, elle devra d’abord la faire inscrire à un décret fixant la liste des données payantes, qui sera publiée dans les semaines qui viennent.

C’est une bonne chose. Aujourd’hui, les ministères fixent les tarifs au petit bonheur. Au ministère de l’écologie, l’instruction d’une demande coûte 145€, comme vous pouvez le voir sur le devis ci-dessous.

Comme le contrat ne prévoit pas de limite dans la réutilisation, j’ai évidemment mis en ligne les fichiers Excel sur NosDonnées.fr. Le but du décret est de mettre un terme à de telles pratiques et de favoriser la gratuité.

Pour en savoir plus sur cette mesure, Numérama a fait un bon tour d’horizon, tout comme Regards Citoyens.

Et la circulaire ?

Fillon est plus prolixe dans sa circulaire, où il dévoile plus ses intentions.

-          L’opendata, c’est Etalab.

L’ouverture des données publiques a commencé en 1978 avec la création de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA), chargée de rendre des avis lorsque les citoyens demandent des informations à l’administration.

Depuis la refonte de la loi CADA, en 2005, à la suite de la directive européenne PSI, des correspondants locaux ont été nommés dans chaque administration. Leur rôle est de faire le lien entre les citoyens demandeurs d’information et la CADA.

Or, la circulaire demande à chaque administration de nommer un interlocuteur unique Etalab. On rajoute donc un deuxième système à celui de la CADA. Tant pis pour la simplification de l’administration.

Pour Etalab, les deux rôles n’ont rien à voir. Les représentants CADA ne sont là que pour régler les problèmes. Les interlocuteurs Etalab, en revanche, auront un rôle actif et prendront des initiatives pour mettre en ligne les données et aucune synergie ne peut être développée entre représentants CADA et Etalab.

-          L’approche top-down triomphe.

La loi CADA prévoyait que les citoyens puissent demander les informations recherchées à l’administration. Prenant le contrepied de cette approche bottom-up, Etalab consacre une approche top-down où les administrations décident de ce qu’elles diffusent – et de ce qu’elles gardent.

La CADA n’est mentionnée qu’une fois dans la circulaire, son rôle se bornant à « veiller au respect des dispositions légales relatives à la réutilisation des informations publiques. » Ce que prévoit de toute façon la loi de 1978.

Comme je l’expliquais en février dernier, l’approche top-down n’a aucun sens quand on parle de données publiques, dans la mesure où l’exhaustivité ne sera jamais atteinte (opendata.paris.fr ne propose encore que 36 jeux de données, par exemple, et data.gov.uk à peine 7000) et où les contribuables n’ont pas à payer pour la mise en ligne de données qui seront exploitées par des entreprises privées.

L’espoir d’Etalab est d’arriver à lister l’intégralité des données publiques, rendant la CADA inutile.

-          Les « circonstances particulières » du payant.

Les données ne pourront être payantes que lorsque des circonstances particulières sont réunies. A en croire les propos tenus par Séverin Naudet aux Echos, les “grands équilibres” de certaines administrations dépendant de la vente d’information doivent être préservés de la sorte. Pourtant, pas question de se lier les mains avec une définition trop précise de ce qui restera ou deviendra payant. Même si le premier ministre (lire: Etalab) restera seul décideur, le Conseil d’orientation de l’édition publique et de l’information administrative, un groupement d’acteurs publics et privés, devra rendre un avis avant toute décision. Si les circonstances particulières restent floues, le parcours d’obstacle avant de pouvoir inscrire un jeu de données sur la liste payante sera long.

Heureusement, les circulaires, mêmes signées par le premier ministre, n’ont pas plus de valeur qu’une note de service et ne sauraient faire force de loi. Mais les décisions de Matignon montrent que le chemin à parcourir pour ouvrir les données publiques reste long.

Photo CC BY SA par RSLN

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De quelle politique ce remaniement est-il le programme ? http://owni.fr/2010/11/14/de-quelle-politique-ce-remaniement-programme-gouvernement/ http://owni.fr/2010/11/14/de-quelle-politique-ce-remaniement-programme-gouvernement/#comments Sun, 14 Nov 2010 21:08:25 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=37167 Un peu à la manière des séries policières françaises de TF1 qui singent jusqu’au ridicule les recettes des « dramas » américaines, Nicolas Sarokzy a mal assaisonné le storytelling copié de Barack Obama : trop de mise en scène, trop de suspense fabriqué. Dans le dernier épisode que le président de la République nous a offert, le problème tient moins aux comédiens interchangeables qu’à l’histoire en général qui montre ses failles. Sous le régime actuel, le chef de l’Etat ayant tous les pouvoirs, la physionomie des ministères est plus révélatrice de sa stratégie que celle des figures qu’il y place. Et ce nouveau gouvernement se déroule comme un programme de renoncement, d’orientation et de projets.

Constat d’échec du Grenelle : bye bye l’écologie sociale

Plus de ministère d’Etat pour l’écologie : la présidence du G20 est arrivée, les prises d’otage se succédent et la défense prend la deuxième place du casting. Une légère touche “présidentielle” qui ajoute ce qu’il faut de sérieux à l’objectif de sécurité (surtout couplée avec un ministère d’Etat au quai d’Orsay). Quatre mois après la promulgation du Grenelle II, cette disgrâce de l’écologie sonne comme un constat d’échec : finies les promesses de relance par les technologies vertes et les discours ambitieux de lutte contre la « précarité énergétique » (le coût de l’énergie affectant les foyers les plus pauvres) qui avait eu un secrétariat d’Etat dans la précédente équipe . Nous revenons à une conception de l’écologie d’avant le Pacte de Nicolas Hulot : développement durable, transports, logement.

Même l’énergie vire au gris. A Bercy, elle est désormais sous l’autorité d’un ministre de l’industrie et de l’économie numérique, sorte de « secrétariat d’Etat à la croissance ». Plus d’engouement pour les technologies vertes auxquelles on dédiait hier un maroquin : après l’échec de Copenhague, la montée du scepticisme climatique, Sarkozy ne mise plus sur les mélanges économie et écologie. La ligne est bien tracée : retour au XXè siècle en matière d’écologie.

La santé, c’est le travail

Niveau social, la réforme des retraites a fait le ménage : avec la pénibilité comme point de focalisation du débat, c’est la santé toute entière qui a atterri dans l’escarcelle du ministère du Travail et de l’Emploi. Ce dernier volet ayant été déclaré « prioritaire » (aux côtés de la croissance et de la sécurité), Nicolas Sarkozy a dégagé la Famille pour faire de la place à « l’apprentissage et la formation professionnelle ». Une fusion parallèle à celle du Pôle emploi avec l’AFPA : emploi, indemnisation et formation professionnelle dans une même boîte. Vu les résultats obtenus par le Pôle emploi, on peut douter de la cohérence de la recette au niveau gouvernemental.

Pour savoir ce que sont devenus les jeunes, il faut désormais pointer au guichet « éducation nationale » : en dessous du ministre, un secrétaire d’Etat en a la garde, qu’il cumule avec la vie associative. En souvenir du bon vieux temps, « les solidarités » et la « cohésion sociale », valeurs aussi vides de sens que la « fracture » tant décriée par Jacques Chirac, héritent d’un ministère de bons sentiments tandis que Bercy hérite d’un ministère d’ambition : le social s’éparpille en « ministères pansements », des officines de guérison de la société plutôt que des organismes d’impulsion.

Dans ce patchwork, une ligne de démarcation apparaît entre les domaines où le Président considère avoir réussi et ceux où il change de direction : l’enseignement supérieur, l’économie et les finances, l’agriculture ont traversés des crises violentes, dont certaines durent encore mais leur périmètre se maintien, voire s’étend. Ce sont les beaux rôles. A côté, une poignée de mauvais rôles disparaissent : l’immigration réintègre le ministère de l’Intérieur, débarassée de l’identité nationale. Le secrétariat d’Etat aux libertés s’est lui aussi perdu dans les limbes avec la question des prisons. Plus de grands ministères d’ambition, seulement des bureaux fonctionnels accompagnant l’oeuvre présidentielle jusqu’à 2012. Ceux qui s’inquiétaient de la paralysie de l’action gouvernementale à cause du remaniement n’ont pas fini de se plaindre.

FlickR CC Vincent-7 ; Abac077 ; France.Diplomatie.

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