OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La cagoule et les lunettes noires privées de voie publique cet hiver ? http://owni.fr/2010/09/06/la-cagoule-et-les-lunettes-noires-privee-de-voie-publique-cet-hiver/ http://owni.fr/2010/09/06/la-cagoule-et-les-lunettes-noires-privee-de-voie-publique-cet-hiver/#comments Mon, 06 Sep 2010 07:31:22 +0000 Marie-Andrée Weiss http://owni.fr/?p=26761

Terroriste tyrolienne.

C’est peut-être l’été, mais moi, j’ai la flemme. Alors quand j’apprends que Facebook se
décarcasse pour que je ne perde plus de temps à taguer les photos de mes copains, moi je dis merci Facebook !

Et comment procède Facebook ? Eh bien, grâce à la reconnaissance faciale, la reconnaissance des visages quoi ! Je lis sur leur blog que je pourrais bientôt « ajouter des tags juste par quelques clics directement depuis ma page, et depuis d’autres sections du site, en utilisant la même technologie de reconnaissance des visages que les appareils photo ont utilisé depuis des années ». C’est vrai, certains modèles d’appareil photo numérique ont des systèmes de reconnaissance faciale, et focalisent automatiquement sur les visages. Pratique !

Moi, j’aime pas trop que mes copains me taguent, c’est vrai quoi, c’est toujours mon mauvais profil, ou bien je suis toute décoiffée. Alors j’ai dit à Facebook, moi, on ne me tague pas comme ça. Mes paramètres de confidentialité, comme ils disent, sont très stricts !

Vaux mieux, vu que chez Orange UK, ils ont eu l’idée de tenter de devenir champion du monde de la photo la plus taguée sur Facebook. Ils ont mis en ligne une photo de la foule assistant au match de foot Angleterre contre Slovénie du 23 juin dernier, ou plutôt, une photo composée de plusieurs photos, comme ça tous les spectateurs sont photographiés. Tu vois des potes sur la photo d’Orange ? Tu les tagues sur Facebook ! Ils appellent ça le GlastoTag.

Mais bon, on ne peut jamais se marrer sans que les avocats s’en mêlent. Ceux qui bossent pour Orange UK leur ont dit : dites bien aux personnes présentes lors du match qu’elles peuvent se couvrir la tête au moment de la photo ! Si tu n’avais pas compris les explications en anglais, et que tu apparais quand même sur la photo, tu vas sur le site de GlastoTag et tu leur demandes de t’ôter de la photo de groupe, ou de rendre ton visage flou. Mais attention ! Il faudra d’abord prouver ton identité à Glastotag et montrer ton permis de conduire ou ton passeport, comme à la police.

Identifier grâce au téléphone portable

Remarque, bientôt ça sera même plus la peine de prouver ton identité, parce qu’on pourra rechercher automatiquement ton visage sur Google. Grâce aux « lunettes » (« Goggles ») de l’app Google, ton téléphone, déjà si intelligent, pourra se transformer en moteur de recherche. Tu prends ma photo, et
Goggles me cherche (et me trouve !) sur Internet, mon blog, etc. Bon d’accord j’exagère un peu, ça marche pas encore trop bien pour les visages, mais c’est possible, et ça viendra. Les téléphones sous Android ont aussi leur app équivalente, Recognizr :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et comment je ferai moi quand on me reconnaîtra automatiquement sur Google ? Je
sais, c’est étonnant, mais j’aime bien demeurer anonyme des fois. J’aurai encore droit aux lunettes noires et au chapeau à larges bords ? Pour le moment du moins, on a échappé en France à la loi interdisant « l’ensemble des vêtements ou accessoires permettant de masquer l’identité d’une personne », ouf !

Bientôt interdit de dissimuler son visage en public ?

Mais ils n’ont pas l’air d’aimer ça en France, qu’on se couvre le visage en public. Tu n’auras peut-être bientôt plus le droit de dissimuler ton visage en public. C’est d’ailleurs déjà interdit depuis l’an dernier lors d’une « manifestation sur la voie publique », du moins « dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l’ordre public », mais ce sera peut-être bientôt interdit dans tout l’espace public. Le député Jean-Paul Garraud a écrit dans son rapport devant l’Assemblée nationale sur le projet de loi présenté par le garde des Sceaux que dissimuler son visage « c’est (…) s’exclure du pacte social qui rend possible la vie en commun », rien que ça ! L’Assemblée nationale a adopté en juillet le projet de loi « interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public ». Selon son article premier « nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage». Le Sénat examinera le texte à la rentrée.

Si la loi est promulguée, qu’est-ce qu’il se passera ? Tu pourras encore porter des lunettes noires et un foulard et faire ta Lady Gaga ? Tu seras tranquillou en terrasse à boire ta bière, un gros lourd te prendra en photo, et Google, enfin Goggles, lui dira tout sur toi. Qu’est-ce que tu feras si tu n’as même plus le droit de te couvrir le visage ? On a quand même droit à la vie privée en France non ? Oui, et on a même un droit sur notre l’image ! On n’a pas le droit de prendre ta photo sans ton consentement, si ça porte atteinte à ta vie privée, c’est même un délit ! D’accord, droit à l’image et tout, mais on ne va quand même pas poursuivre en justice tous les gros cons qui nous prennent en photo !

Un masque ok mais pendant le carnaval

Alors je fais quoi, pour mes lunettes noires, mon chapeau et mon foulard ? Pour le moment, le
Code pénal dit que « la dissimulation du visage [peut être] justifiée par un motif légitime » lors de manifestions. Ne pas vouloir être sur une photo, manifestations ou pas, c’est un motif
légitime ! Si la nouvelle loi est votée, on ne pourra dissimuler son visage que dans des cas bien précis. Selon son article premier, ça ne sera légal que si la « tenue est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires, si elle est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels, ou si elle s’inscrit dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles ». C’est sympa, tu pourras quand même encore porter des cagoules en hiver, si tu as un rhume, ou un masque de carnaval, mais seulement si ta ville le fête traditionnellement ! Ben oui, sinon ça servirait à quoi toutes les caméras de surveillance ?

Moi, je vais demander à mon médecin si c’est possible de me déclarer allergique au soleil et fragile des bronches, comme ça, mes lunettes noires, mon chapeau et ma cagoule, ça sera pour raison de santé que je les porterai, pas pour attenter à l’ordre public français.

Image CC Flickr poppalina

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Mes amis sur Facebook n’ont pas (encore) toutes leurs dents http://owni.fr/2010/04/29/mes-amis-sur-facebook-n%e2%80%99ont-pas-encore-toutes-leurs-dents/ http://owni.fr/2010/04/29/mes-amis-sur-facebook-n%e2%80%99ont-pas-encore-toutes-leurs-dents/#comments Thu, 29 Apr 2010 18:25:07 +0000 Marie-Andrée Weiss http://owni.fr/?p=13998 De plus en plus de parents créent une page Facebook ou Twitter au nom de leur enfant, parfois dès la naissance, et même quelquefois bien avant. Certains parents justifient cette pratique par la nécessité de fournir régulièrement aux grands parents de nouvelles photos du bambin sans devoir pour ce, horreur, accepter parents ou beaux-parents comme amis sur les réseaux sociaux.

Autre phénomène, certains parents utilisent la photo de l’un de leurs enfants pour avatar. Les parents, titulaires de l’autorité parentale, ont-ils un droit absolu de publier l’image de leur enfant mineur?

Le Children Online Privacy Protection Act

S’il n’est pas interdit selon les Conditions Générales d’Utilisation de Facebook d’utiliser comme avatar une image autre que notre propre photographie, il est en revanche interdit d’utiliser Facebook si l’on a moins de 13 ans, et le site ferme systématiquement les pages des bébés créées par leurs parents.

Le choix de l’âge de 13 ans comme âge limite n’est pas anodin pour cette compagnie soumise au droit des États-Unis. En effet une loi fédérale, le Children Online Privacy Protection Act (COPPA) exige que les créateurs de sites Internet collectant les informations personnelles d’enfants âgés de moins de 13 ans aient une politique de confidentialité adaptée, et obtiennent un consentement parental préalable et vérifiable.

En outre, le parent doit pouvoir refuser que ces informations soient divulguées à des tiers, et une option opt-out doit lui être proposée. Le parent peut même effacer les données personnelles de l’enfant ainsi collectées. Un site Internet qui ne respecterait pas les dispositions de cette loi encourt des peines d’amende jusqu’à 400 000 dollars.

L’autorité parentale

Le consentement des parents permet la collecte des données personnelles des enfants de moins de treize ans aux États-Unis. En France, l’article 371-1 du Code civil définit l’autorité parentale comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant », et elle doit être exercée dans le respect dû à la personne de l’enfant. Décider de publier la photographie de son enfant sur Internet, et d’ouvrir ainsi le traditionnel album de famille aux internautes, respecte-t-il la personne de l’enfant ?

Le droit à l’image

Chacun a droit au respect à sa vie privée selon l’article 9 du Code civil, et chacun a un droit sur sa propre image. Il s’agit d’un droit de la personnalité, c’est-à-dire d’un droit extra-patrimonial qui s’apparente à un droit de l’homme. Les parents sont les gardiens de ce droit de l’enfant, et ils doivent donner leur autorisation expresse pour que l’image de leur enfant soit utilisée par des tiers.

Ils peuvent ainsi s’opposer à la publication sur un site de réseau social d’une photographie de leur enfant mineur, même par une grand-mère, un oncle, ou un ami proche de la famille. De plus, selon la Cour de Cassation, le parent dont l’autorité parentale a été méconnue par la publication de l’image de son enfant mineur éprouve, du fait de l’atteinte à ses prérogatives, un préjudice personnel dont il peut obtenir indemnisation.

L’enfant mineur a-t-il le droit de prendre des décisions concernant son droit à l’image?

L’enfant mineur a-t-il des droits sur son image avant sa majorité ?Seul un parent peut autoriser la publication de son image. En 1972, la Cour de Cassation n’avait pas été convaincu par le moyen invoqué par une maison d’édition, qui avait publié des photographies d’un mineur illustrant sa liaison avec un de ses professeurs, selon lequel « les pouvoirs de l’administrateur légal ne sauraient aller jusqu’à déposséder le mineur de sa propre histoire, sous peine de le priver de toute individualité et de lui ôter la qualité même de personne humaine ».

Selon la Cour de Cassation « la divulgation de faits relatifs à la vie privée d’un mineur [est] soumise à l’autorisation de la personne ayant autorité sur lui ». Le mineur n’a pas le droit de prendre des décisions quant à la divulgation ou non d’informations appartenant à sa vie privée. Cette jurisprudence est toujours en vigueur après près de quarante ans.

Réponses possibles du législateur

Plutôt qu’aux parents, est-ce au législateur de protéger le droit l’image des mineurs? Viviane Reding, alors commissaire européenne chargée de la société de l’information et des médias, avait déclaré il y a un an que

« la protection de la vie privée doit être une priorité pour les fournisseurs et pour les utilisateurs des sites de socialisation. Il me paraît essentiel que les profils des mineurs (…) soient privés par défaut et inaccessibles aux moteurs de recherche ».

Si la France se dotait d’une loi obligeant les sites de réseaux sociaux à rendre inaccessibles par défaut les profils des mineurs, la publication des images des mineurs ne se ferait alors que dans le cadre, non du cercle de famille, mais des « amis » du réseau social, et la décision de permettre ou non à un tiers d’accéder à un profil appartiendrait toujours aux parents, qui contrôleraient ainsi le champ de diffusion des photographies.

Vers une gestion personnelle du mineur de son droit à l’image?

Pourrait-on envisager que le mineur ait bientôt le droit de gérer sa propre image? Dans un avis de février 2010 sur l’actuelle proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique, la Sénatrice Catherine Morin-Desailly proposa d’adapter le Children Online Privacy Protection Act en droit français, mais en étendant les droits du mineur de plus de treize ans afin qu’ils puissent faire jouer « directement et personnellement le droit d’opposition ou de rectification des données publiées qui les concernent ».

Il est vrai que cette proposition de loi prévoit que les élèves soient informés des risques liés à l’utilisation d’Internet au regard de la protection des données personnelles et du droit à la vie privée. Mieux informés, les mineurs pourraient gérer efficacement l’utilisation de leur image sur Internet. Ils pourraient alors demander à leurs parents de supprimer leurs photographies publiés sur les réseaux sociaux.

On revient d’ailleurs désormais sur l’idée reçue que « les jeunes ne se soucient pas de leur vie privée », et plusieurs études parues récemment aux États-Unis tendent à prouver le contraire.

La proposition de loi ne sera peut-être jamais adoptée, mais, une fois majeur, l’enfant a plein contrôle sur son image. Mais Internet a beaucoup de mémoire, à tel point que le gouvernement français s’interroge actuellement sur la nécessité d’un droit à l’oubli.

Un droit à l’oubli de nos photographies?

Il n’existe pas actuellement en droit français de droit à l’oubli pour des faits relatifs à la vie privée licitement révélés au public. Il existe néanmoins un droit à l’oubli de nos données à caractère personnel. Si elles sont conservées sous une forme permettant l’identification de la personne, elles ne peuvent être conservées pendant une durée excédant la durée nécessaire à la finalité du traitement de données (article 6 de la loi « Informatique et Libertés »). En outre, l’article 38 de la loi donne à toute personne le droit de s’opposer à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement.

Dès l’âge de 18 ans, l’enfant pourra interdire à ses parents de publier sa photo sur Internet, au risque de se voir, sinon déshérité, du moins banni de leur compte Facebook

Merci à Sabine Blanc qui m’a donné l’idée de ce billet !

> Illustration CC par Leonidas Tsementzis sur Flickr

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