OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 De la cyber-archéologie et de GeoCities http://owni.fr/2010/11/03/de-la-cyber-archeologie-et-de-geocities/ http://owni.fr/2010/11/03/de-la-cyber-archeologie-et-de-geocities/#comments Wed, 03 Nov 2010 09:23:40 +0000 Alexandre Léchenet http://owni.fr/?p=4914 Le 26 octobre 2010, un an après la fermeture définitive, Jason Scott annonce que son armada de serveurs a réussi à sauvegarder un bon nombre de sites et propose l’intégralité de GeoCities (ou presque) sous la forme d’un torrent. L’occasion de revenir (en vous proposant un billet publié il y a an) sur la fermeture de ce service, contenant une foultitude de contenu créé par l’utilisateur et surtout contenant une grosse partie de la culture Internet avant l’arrivée de tout le monde.

Yahoo! n’a pas beaucoup communiqué sur cet évènement, c’est le moins qu’on puisse dire, puisque même les premiers concernés n’étaient pas au courant. “Je suis étonné de ne pas avoir reçu de message de Yahoo-Geocities me prévenant de l’arrêt” s’inquiète ainsi un ancien utilisateur qui a tout de même eu le temps d’aspirer le contenu de son site avant la fermeture. GeoCities l’annonce laconiquement sur sa page d’accueil, GEOCITIES IS CLOSING ON OCTOBER 26, 2009. GeoCities, ouvert en 1994, était un hébergeur gratuit. En échange de quelques publicités, l’utilisateur pouvait proposer un site de bonne qualité pour l’époque.

GeoCities restait depuis une référence sur Internet pour ses design affreux, ses gif animés et la pauvre qualité de son code html.

L’organisation de GeoCities était très originale puisque les sites étaient organisés en villes, puis en quartier. Chaque ville correspondait à une thématique. Un utilisateur, dont le site était finalement très généraliste témoigne :

J’avais choisi CapCanaveral parce que je suis passionné d’astronomie, ce qui constituait une partie assez fréquentée de mon site

CapCanaveral, quartier des sciences, mathématiques et de l’aviation côtoyait ainsi Paris, pour les arts, Broadway, Hollywood ou encore Area51 pour la science-fiction.

Pour chaque quartier existait un Community Center, lieu où les possesseurs des sites du quartier pouvaient s’organiser entre eux. Sites du mois, conseils sur le HTML, signalement des sites ne correspondant pas à la thématique ou contrevenant aux bonnes moeurs. Une vraie organisation de quartier à l’américaine.

GeoCities semblait clairement répondre à un besoin puisque très vite après l’ouverture, en juin 1995, des quartiers s’y créent avec des thématiques particulières et forcément militantes à cette époque. WestHollywood, du nom du plus grand “gay village” des États-Unis, quartier de la communauté LGBT, est par exemple un des premiers à apparaître. Sur son ancien site, Let It Bi, sur la bisexualité, le webmestre expliquait :

j’avais choisi GeoCities parce que c’était un hébergeur communautaire, basé sur la notion de quartier

Plus généralement, dès qu’on offre un espace de liberté, de free-speech, les gens s’y engouffrent, pressés d’y faire entendre leur voix.

GeoCities est donc un immense espace où s’expriment de nombreuses personnes. Bien sûr, la possibilité d’expression est limitée, puisqu’il fallait à l’époque posséder un ordinateur ainsi que des rudiments en html, Yahoo ayant dès son rachat interdit le php et autres technologies “avancées” sur GeoCities. Rapellons enfin que ces sites, au départ, existaient dans un monde sans Google. Éric Dupin proposait ainsi ses petits cailloux, “des conseils et des sélections de sites intéressants” pour, entre autres “aider les internautes, population alors novice, à bien naviguer“.

La fermeture des serveurs de GeoCities pose cependant une question importante, celle de la sauvegarde des données. Alors qu’un livre se caractérise par un tirage matériel plus qu’unique, un site Internet, surtout ceux-ci, fait par des “noobs” n’est présent que sur un serveur. Et Yahoo! n’a communiqué que par mail, sans vérifier que les mails soient bien reçus. Tout porte à croire que de nombreuses pages de personnes décédées, ou de personnes ayant simplement changé d’adresses e-mail ont disparu avec la fermeture des sites. Et se perd ainsi tout un aspect de la culture Internet. Alors que l’archéologie matérielle ne requiert qu’un peu de travail de recherche, l’archéologie sur Internet nécessite de conserver sur des serveurs les pages avant que celles-ci ne disparaissent.

Depuis 1996, archive.org conserve de nombreuses pages Internet, perdant cependant parfois au passage les images qui faisaient la joie de ces pages personnelles. Celles dont Éric Dupin disait que “c’était de l’artisanat“. Il témoigne:

Cela peut évidemment sembler ridicule aujourd’hui. Mais j’étais très fier quand je réussissais à produire de mes blanches mains un gif animé et à l’implanter sur un site qui a parfois diablement ressemblé à un arbre de Noël !

On ne peut donc que saluer l’action de l’Archive Team, de Internet Archaeology ou encore archive.org qui ont tenté de capturer le plus grand nombre de cette immense planète qu’était GeoCities. L’Archive Team a notamment réussi, dans le cadre d’un GeoCities Project, à obtenir et à établir une liste des URL de nombreux sites de GeoCities, archive.org ne pouvant aspirer les sites qu’en ayant ceux-ci. Et Yahoo! ne voulait pas les donner, prétextant qu’il s’agissait là d’élément de la vie privée, puisque certains utilisateurs faisaient des sites qui n’étaient jamais liés ailleurs et réservés à leur famille ou au stockage. Jason Scott ne mâche pas ses mots à ce sujet. S’dressant aux dirigeants de Yahoo! il déclare :

Les gens vont être putain d’énervés quand ils verront que vous leur avez mis hors ligne leur contenu, que vous l’avez supprimé. [...] Ils voudront que vous leur rendiez leur contenu. [...] Je pourrais dire quelque chose comme “je pense que vous savez ce que vous faites”, mais je suis certain que vous aller me répondre “bla bla bla aucun profit bla bla” puis que vos yeux vont se lever et vous allez me demander d’arrêter de me plaindre

Jason Scott explique ensuite qu’il est obligé de se lancer dans l’hébergement pour proposer aux anciens utilisateurs un miroir de leur site GeoCities et qu’il ne va pas cesser de répéter à quel point les dirigeants sont d’avoir fermé ce service avant de terminer, et je partage ce cri, par “I hate you“.

>> Article initialement publié sur Alphoenix.net.misc

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[LeWeb] Pearltrees, des perles pour organiser le web http://owni.fr/2009/12/10/leweb-pearltrees-entretien-avec-patrice-lamothe/ http://owni.fr/2009/12/10/leweb-pearltrees-entretien-avec-patrice-lamothe/#comments Thu, 10 Dec 2009 08:15:24 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=6047 patrice-lamothePearltrees est une start-up particulièrement remarquée, qui a été écoutée attentivement à l’occasion de l’événement LeWeb’09. Pearltrees propose un outil qui innovant permet de créer très simplement des séries de liens dynamiques sous forme de perles, en quelques clics, puis de les assembler en les rapprochant par un simple glisser-déposer : on obtient des sortes d’arbres thématiques, voire généalogiques si l’on enchaine plusieurs niveaux.

Patrice Lamothe, infatigable évangélisateur du web et des usages numériques, mais aussi passionné de sciences dures et de sciences humaines, a répondu à quelques questions pour les visiteurs de la soucoupe.

Petit résumé d’une riche discussion.

Comment est née l’idée fondatrice de pearltrees ?

C’est une réflexion de fond sur le web participatif, que j’ai menée pendant 3 ans à partir de 2004, à une époque où je bloguais activement sur la sociologie et la philosophie politique. Je me suis rendu compte que Jürgen Habermas et Bruno Latour décrivaient particulièrement bien les mécanismes des communautés participatives et que leurs théories s’appliquaient très bien au web social.

J’avais envie de proposer un nouveau moyen d’appréhender le web pour dépasser les limites techniques et aller vers leur vision organique, épurée pour éviter tout parti-pris.

Et dans les faits, comment cela se traduit-il ?

Je commencerai par parler d’une évolution en quelque sorte historique. Pour résumer un peu les âges du web grand public :

- dans les années 90 le contenu était en ligne sur quelques sites faciles à connaître, car peu de gens mettaient en ligne faute de compétences (les entreprises étaient presque les seules). C’est l’époque des portails, des favoris, il s’agissait avant tout de voir. Les enjeux tournaient autour de la mise en page, de l’ergonomie et du temps de chargement.

- au milieu des années 2000, il est devenu plus simple de créer du contenu et de le mettre en ligne, l’ADSL s’est répandu dans les foyers, c’est le début des blogs et des plateformes de partage (vidéo, favoris). Face à la multiplication des données il est devenu plus important de trouver. Les notions d’indexation, de ranking et autres optimisation de recherche devenaient primordiales.

- aujourd’hui, il y a quelque chose qui se dessine, c’est l’organisation du web : comment donner du sens à ce que je découvre en créant des hiérarchies et rattacher des contenus de tous types à des thématiques. La multiplicité des contenus demande non pas un simple rangement, même avec des cases multiples comme avec les tags de Digg ou delicious, mais une visualisation des liens. Et il ne s’agit pas de faire des cartes heuristiques qu’on appelle aussi mind mapping pour faire chic, car pour la plupart des gens c’est du chinois !

Avec pearltrees, j’ai voulu garder le partage qui fait la richesse des médias sociaux que l’on connaît déjà, en ajoutant la couche visuelle qui est rend l’organisation plus “naturelle”. Nos perles apportent donc à la fois la perception et l’organisation.

Qu’est-de qui différencie pearltrees d’autres formes d’archivage et de classement ?

Pearltees est un format universel, et la technique est reléguée dans les coulisses, notre interface épurée doit favoriser l’utilisation par les néophytes. Par rapport au tag que l’on trouve chez delicious par exemple, nous apportons du sens grâce à la représentation visuelle : relier deux perles, organiser un arbre à plusieurs embranchements dit quelque chose de plus que simplement des liens partageant un même tag.

Et puis la taxonomie des tags n’est pas toujours pertinente, parce que certains mots sont polysémiques ou parce que chacun voit des choses différentes dans un même mot-valise.

L’interface est agréable, mais on aimerait parfois pouvoir ajouter des couleurs pour notifier la typologie d’une perle, par exemple en fonction du type de contenu (bleu pour la vidéo, rouge pour le son, vert pour l’image…). Pourquoi ne pas ouvrir la porte à la personnalisation ?

Surtout pas ! Pour rentrer dans des considérations sémantiques, je dirais que toute ontologie résulte d’un choix “politique”, qui est donc arbitraire. Gödel en a fait la démonstration dès les années 30 : tout édifice doit reposer sur des affirmations arbitraires et indémontrables ou incomplètes.

Si j’impose le bleu pour la vidéo, il y aura toujours quelqu’un pour lui préférer une autre couleur. Si je crée de couleurs par catégorie, il se trouvera toujours une nouvelle catégorie qui sera un peu entre les deux. Au fond c’est ce qui anime les classificateurs depuis Darwin. On crée des boîtes pour ranger les espèces, et puis un jour on tombe sur l’ornithorynque et on se prend la tête, on déplace les boîtes pour voir, on en crée d’autres…

En mathématiques, ça porte un nom : le monde est continu, et non pas discret. Entre noir et gris, il y a une palette infinie de tons. Aussi, il vaut mieux rester sur ce qui fait le sel de nos navigations, c’est à dire les trouvailles.

Alors pearltrees, c’est un peu moins de personnalisation graphique pour plus d’efficacité ?

Avec pearltrees, je préfère que chacun puisse comprendre ce que n’importe quel utilisateur a organisé. Il n’y a pas besoin de chercher à comprendre les codes adoptés par cet utilisateur, tout devient plus simple et du coup plus naturel à partager. C’est aussi un des avantages de pearltrees : chacun peut prendre une série de perle d’un autre et les raccrocher à ses propres perles.

Le projet de démocratisation d’Internet, qui fait de chaque utilisateur un média potentiel, est inscrit dans son ADN d’origine. Les 200 premiers utilisateurs pouvaient lire du contenu, mettre en ligne du contenu, organiser le contenu. Nous nous inscrivons directement dans cette ligne.

Dans les dernières nouveautés de pearltrees, qui vient de passer en version beta, qu’y a-t-il ?

Nous intégrons désormais naturellement les flux Twitter, soit d’une personne, soit d’un hashtag. Twitter est dans l’instantané, c’est le real time web, c’est l’influx du monde de l’information et des interconnexions. Mais  les tweets sont très volatils. Aujourd’hui on peut les garder en mémoire, puis les ranger, les organiser, les relier aux perles des autres sur un même thème.

Avec pearltrees on apporte la mémoire à l’influx nerveux. Biologiquement parlant, quand la mémoire s’ajoute à l’influx, ça peut déboucher potentiellement sur l’intelligence. Voilà qui devient intéressant, non ?

Merci Patrice.

La perle officielle LeWeb’09.
leweb09

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