OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Manifeste pour le cyberespace http://owni.fr/2011/05/25/cyberespace-eg8-internet-libertes-numeriques/ http://owni.fr/2011/05/25/cyberespace-eg8-internet-libertes-numeriques/#comments Wed, 25 May 2011 21:07:42 +0000 Yann Leroux http://owni.fr/?p=64611

Nous, digiborigènes, constatons un état d’hostilité envers le cyberespace qui culmine avec le eG8. La neutralité sur laquelle repose nos échanges est fortement mis en cause sous des prétextes fallacieux. Nous en sommes arrivés au point ou l’Internet doit être protégé des gouvernements.

Nous avons transformé une province éloignée de la culture en une cité cosmopolite et vibrante, dont la richesse profite à tous. Nous avons construit le cyberespace. Nous l’avons construit bit après bit, manifeste après manifeste, lolcat après lolcat. Nous y avons nos cathédrales et nos bazars. Nous y avons inventé des mondes, des modes de relation et des intelligences à nulle autre pareille.

Le cyberespace n’est pas un nouvel espace à conquérir. Il n’est pas à coloniser. Il n’est pas à civiliser.

Le cyberespace est un espace de civilisation. Il l’est depuis sa fondation. Il l’est nécessairement parce qu’il est construit et habité par des hommes et des femmes.

L’internet porte un regard égal à Kevin ou à Mark. Il n’est pas un espace égalitaire. Il traversé par des barrières, mais ces barrières sont des constructions sociales. Elles ne sont pas dans architecture du réseau.

Nous refusons le cyberespace soit transformé en un espace de surveillance.

Nous refusons que les États abandonnent les protections qu’ils doivent au citoyen.

Nous refusons que les États violent le droit à la vie privée dans le cyberespace.

Nous refusons que l’architecture du cyberespace soit modifiée.

Nous refusons que l’ancien droit d’auteur serve de modèle à tous les échanges.

À l’heure où la fin de l’humanité devient une hypothèse tangible, nous avons plus que jamais besoin d’un espace commun où nous pouvons nous retrouver ensemble et régler les questions qui nous occupent. Le cyberespace rend possible des Place Tahir et des Puerta del Sol.

Nous ne pouvons nous permettre de perdre ces futurs.

Défendons les.


Crédits illustration FlickR by-nc-sa verbeeldingskr8

Retrouvez notre app Quand l’Internet se manifeste

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La vie secrète des adolescents dans les réseaux sociaux http://owni.fr/2011/05/13/la-vie-secrete-des-adolescents-dans-les-reseaux-sociaux/ http://owni.fr/2011/05/13/la-vie-secrete-des-adolescents-dans-les-reseaux-sociaux/#comments Fri, 13 May 2011 13:59:50 +0000 Yann Leroux http://owni.fr/?p=62528 Les adolescents se soucient peu de leur vie privée. Ils auraient la fâcheuse tendance à partager n’importe quel contenu avec n’importe qui. Ils ne prendraient pas suffisamment en compte que ce qui est écrit aujourd’hui peut être retrouvé demain, et ils auraient même la légèreté d’ignorer que 10 ans plus tard, des contenus en ligne pourraient leur coûter un emploi.

Un texte de danah boyd et Alice Marwick – La vie privée dans les réseaux sociaux, les attitudes, pratiques et stratégies des adolescents [PDF] – fait le point sur les pratiques adolescentes en ligne. Il montre que les pratiques adolescents en ligne sont conditionnées par le sens que les adolescents donnent à la situation et qu’ils sont toujours soucieux de leur vie privée.

La vie privée est d’abord une histoire d’espace. C’est l’espace dans lequel il est possible d’être seul. C’est l’espace dans lequel chacun a la maitrise de l’ouverture et de la fermeture à l’autre. Cet espace peut être un objet – un coffre, par exemple. Il peut être un espace d’inscriptions – c’est le journal intime. Il peut encore être l’espace dans lequel sont contenues des conduites ou des relations qui doivent être masquées des autres. La maison, telle que nous l’expérimentons depuis la Seconde Guerre mondiale, en est le modèle parfait.

L’espace privé n’est pas nécessairement un espace physique. Il peut s’agir d’un espace psychologique : c’est alors le secret des pensées que l’on se dit qu’à soi-même. L’espace privé se superpose alors à ce qui n’est pas dit ou exprimé.

De la même façon que l’épaisseur des murs et leur agencement masquent plus ou moins la maison aux regard extérieurs, dans le cyberespace, les dispositifs sont plus ou moins ouverts sur l’espace public. Ainsi, Facebook a de plus en plus ouvert les comptes sur l’espace public. Le flux d’actualité qui avait suscité beaucoup de résistance lors de sa mise en place est parfaitement accepté par tous. Mais il ne s’agit pas seulement de code. Celui-ci ne fait pas la loi, contrairement à ce que Lawrence Lessig pouvait affirmer. Des pratiques sociales se greffent sur ces dispositifs, et les amendent fortement. Par exemple, Blizzard a dû reculer devant la levée des boucliers lors de la mise en place de la fonctionnalité Nom Réel. Google a dû aussi largement modifier Google Buzz devant les plaintes des utilisateurs, et la fonctionnalité annoncée comme une révolution qui allait  culbuter Facebook végète aujourd’hui dans un coin du cyberespace.

Double discours

danah boyd et Alice Marwick mettent le doigt sur une certaine hypocrisie : on reproche souvent aux adolescents de ne pas être suffisamment précautionneux en ligne sans tenir compte du fait que ceux qui ont pouvoir sur eux, c’est-à-dire les parents, rompent régulièrement les barrières de leur vie privée sous des prétextes fallacieux. Un double langage se met alors en place. Les adultes se plaignent du manque de retenue des adolescents en ligne et ils se comportent dans l’espace physique comme s’ils n’avaient pas droit à un espace privé.

Elles donnent un exemple qui est d’autant plus parlant que le procédé est souvent utilisé par les formateurs. Lors d’une session de formation auprès d’adolescents, des adultes font un diaporama de toutes les images qu’ils ont trouvées sur les comptes des adolescents. Le diaporama provoque une bronca des adolescents et l’incompréhension des adultes. Pour ces derniers, les images sont publiques, puisque trouvées sur Facebook. Pour les adolescents, il s’agit d’une trahison. danah boyd et Alice Marwick interprètent la situation en termes de pouvoir : ce n’est pas que les adolescents ne prennent pas en compte la question de la vie privée sur Facebook mais plutôt les autres qui ne la respectent pas.

En somme, les adolescents se comportent en ligne comme au supermarché. Tout le monde voit le contenu du caddy du voisin à la caisse, mais personne ne fait de commentaire,  Qui, ici est à blâmer ? Est-ce les adolescents ou les adultes qui non seulement font preuve d’une curiosité déplacée, mais s’en servent pour faire honte et culpabiliser des adolescents ?

danah boyd et Alice Marwick montrent que pour les adolescents, l’espace privé est d’abord un espace vide de la présence des parents. Pour certains adolescents, l’espace privé est un espace collectif. Il est séparé de l’espace public, mais à l’intérieur de cet espace, les adolescents ne bénéficient pas d’un espace qui leur appartienne en propre.

Les adolescents ont construit des pratiques sociales qui font de l’Internet un espace qui leur appartienne en propre. Observés de toutes parts, évalués de façon continuelle par les adultes, ils construisent dans les espaces publics des niches sociales. La cage d’escalier, le centre commercial étaient préférentiellement investis par les adolescents des générations précédentes.

Pour danah boyd et Alice Marwick, il s’agit avant tout d’une histoire de pouvoir. Les adolescents sont un groupe d’individus dominés, et ils créent des “contre-espace” dans lesquels ils vont pouvoir re-formuler leurs identités, leurs besoins, leurs intérêts. Comme les espaces physiques de socialisation ont disparu ou ont été considérablement réduits, les adolescents ont massivement investi le cyberespace comme espace de rassemblement. La notion de “contre-espace subalterne” qu’elles empruntent à Nancy Frazer n’est pas sans faire penser aux espaces hétérotopiques dont parle Michel Foucault.

Context is king

La pratique de l’Internet des adolescents se fait selon un” travail des frontières” qui définit sans cesse ce qui est privé et ce qui est public. Le contexte est ici la clé. On ne commente pas le contenu du caddy d’un étranger, mais on se sentira libre de le faire avec un ami. Cette règle fonctionne également en ligne. Elle est d’autant plus importante que différents mondes et types de relations s’y rencontrent régulièrement. L’effondrement des barrières qui maintenaient des acteurs dans des espaces sociaux différents produit des effets de convergence qui sont parfois malvenus.

danah boyd et Alice Marwick donnent quelques exemples de la manière dont se fait ce travail des frontières. Elles différencient des stratégies structurelles et des stratégies sociales.

1. Les stratégies structurelles

Le Top 8 de MySpace, les listes de Facebook permettent de composer des cercles de proches. Le Top 8 fonctionne comme signe : si vous n’êtes pas sur la liste, alors vous devez y penser à deux fois avant de poster un commentaire. Il  est une ceinture rassurante : au-delà, c’est l’inconnu et en deçà c’est l’espace rassurant des relations privées. Les adolescents peuvent également utiliser différents dispositifs pour différentes audiences : la famille sur Facebook, les amis sur MSN. Chaque dispositif a des qualités qui le font ressentir plus ou moins public.

Sur Facebook, la désactivation du compte ou l’effacement des commentaires et des updates est aussi une façon de protéger sa vie privée.

2. Les  stratégies sociales

Le travail ses frontières se fait également autour de stratégies relationnelles et de langage. Des private jokes, des allusions, des expressions argotiques permettent de rassembler des audiences et délimitent des espaces privés et des espaces publics.  Par exemple, les paroles de “Always look on the bright side of life” peuvent être comprises comme un signe de bonne humeur ou de désespoir total. Les messages peuvent être encryptés dans des éléments de la culture populaire, ce qui les rend opaques aux adultes, et perméables à ceux qui ont la bonne référence. Une autre façon de procéder est de diminuer au maximum tout effet de contextualisation. Celui-ci n’est pas contenu dans le message, mais dans des interactions qui ont eu lieu ailleurs, ce qui empêche toute personne qui n’a pas le contexte de comprendre ce dont il s’agit.

Savoir coder les labyrinthes de sens nécessaires à la protection

« La plupart des ados ont réalisé que limiter l’accès au sens peut être un moyen bien plus efficace que d’essayer de limiter l’accès au contenu lui-même », écrivent danah boyd et Alice Marwick. Cette limitation se fait grâce à des figures langagières qui permettent à des individus et des groupe de s’entretenir en privé en public.

On en arrive toujours à la même chose. Ceux qui ont un rapport facilité à la langue sauront créer les labyrinthes de sens nécessaires à leur protection. Ils sauront encoder et décoder les contenus de l’Internet comme différentes figures transtextuelles (Genette, Ph. 1982). Ils sauront reconnaitre à l’intérieur d’un texte la présence d’un autre texte et qui lui donne tout son sens. Il sauront reconnaitre la citation, l’allusion ou le plagiat. Ils sauront décoder les signaux qui entourent un texte. Bref, ils sauront interpréter ce que l’Internet leur apporte.

Au final, la vie privée des adolescents en ligne est caractérisée par :

  • des paniques morales orchestrées par les adultes autour de la figure de l’étranger.
  • une méconnaissance des pratiques réelle des adolescents en ligne de la part des adultes.
  • des pratiques de discours qui permettent de s’entretenir en privé en public.
  • une utilisation efficace et créative des dispositifs techniques.

Billet initialement publié sur Psy et geek ;-)

Images CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Annie in Beziers et PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification paul peracchia

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Don’t feed the troll http://owni.fr/2011/04/16/dont-feed-the-troll/ http://owni.fr/2011/04/16/dont-feed-the-troll/#comments Sat, 16 Apr 2011 08:30:01 +0000 Yann Leroux http://owni.fr/?p=57100 Fidèles à leur tradition d’intertextualité (Peyron, D., 2008) et d’auto-documentation, les digiborigènes ont tôt fait de repérer un type de comportement dans leurs groupes en ligne. L’habitude a été prise d’appeler troll toute personne et tout message dont le but est de provoquer le plus grand désagrément aux autres.

Le troll est une figure centrale de la culture numérique. Schopenhauer et son Art d’avoir toujours raison a été érigé Grand Ancêtre de Tous les Trolls. Les trolls ont été étiquetés et classifié par les anthropologues amateurs de l’Internet. Des recommandations ont été formulées (ne nourrissez pas le troll !), les histoires les plus fameuses récoltées et racontées au coin des feux numériques.

C’est détruire les mondes

Le Troll est une figure de la destructivité dans les groupes. Il est la bouche avide de toujours plus de discussions. Mais les discussions qu’il provoque sont particulières. Lui seul en profite. Tel le géant Antée qui devenait plus fort à chaque fois qu’il touchait le sol, le Troll devient plus puissant à chaque fois qu’il touche une nouvelle polémique. Plus le Troll grandit, plus le groupe s’affaiblit. Le Troll transforme la nourriture des groupes en ligne en un poison : la conversation tue la conversation, le lien attaque le lien.

Le Troll est thanatophoros porteur de la pulsion de mort. Il est un persécuteur qui se présente comme un persécuté. Il retourne tout : le privé en public, le public en privé, le vrai en faux, le faux en vrai. Il est celui qui met en échec les potentialités créatrices de tout groupement. Il procède de deux manières : il pousse les idéologies à leur comble, jusqu’à ce que plus aucun interstice ne puisse exister. Le groupe étouffe alors littéralement sous ses propres idéaux.
La seconde stratégie relationnelle est de mettre en place un contrat paradoxal : discuter avec le Troll, c’est transgresser la règle commune “ne nourrissez pas le troll”. Ne pas discuter avec lui, c’est transgresser l’idéal d’égalité et de partage des groupes en ligne.

Fonctionnant dans l’ombre, il ne permet pas au groupe de s’organiser contre lui. Le troll est un parmi d’autres, et il avance, comme tous, son désir de bien faire, masquant dans le même mouvement que c’est un désir de bien faire le mal. Tout groupe fonctionne avec l’imaginaire d’un extérieur menaçant et d’un intérieur sécure. C’est cette articulation première que le troll met en danger. Le mal n’est pas au dehors. Il est au dedans. Il faut le reconnaitre et épurer le groupe. Il est l’investigateur d’une culture de paranoïa dans laquelle chacun est possiblement coupable.

L’issue pour un groupe aux prises avec un troll est toujours difficile. Elle passe parfois par le fait que quelqu’un accepte d’être porte-parole d’une violence qui devient alors fondatrice. Par exemple, lorsque Mr Bungle met à mal Lambda Moo, les tergiversations s’arrêtent uniquement parce que un ancien wizard prend sur lui d’exécuter la peine capitale à laquelle toute le monde pense. Cette exécution prend une valeur rituelle. Elle permet le réenchantement du monte, c’est à dire le retour des wizards et la mise en place de nouveaux dispositifs régulant la vie sociale du MUD. Le thanatophore a été transformé par cet acte de violence fondamentale en un bouc émissaire.

Ou les construire

Les trolls n’ont pas seulement une fonction disruptive. Biella Coleman a rapproché le hacker du troll en montrant que tous les deux ont à faire avec le bricolage et le détournement. Elle définit le troll comme “une classe de geek dont la raison d’être est de se livrer à des actes de moqueries impitoyables ou des plaisanteries douteuses”. Elle rappelle que le spectacle des trolls contribue à faire de l’Internet un espace public. Ils sont des agents de culture parce que leurs actes mettent en évidence que comme tout espace public, les relations que l’on y noue peuvent être risquées.

Les trolls seraient donc des agents édifiants : ils alarment le public et suscitent la mise en place de systèmes de protection. Elle n’hésite pas à rapprocher les trolls d’une figure très importante dans le folklore américain : le trickster.

Trolls et tricksters sont des spécialistes du mensonge, du vol, de la tromperie, du meurtre, et de la destruction. Mais ce sont aussi des porte-culture car leurs mensonges et leurs destructions “contribuent à perturber les catégories établies de la vérité et de la propriété et, ce faisant, à ouvrir la voie à de nouveaux mondes possibles”.

Dans cette optique, le troll est un articulateur. Il fabrique, il joint, il adapte. Son industrie s’étend des objets qu’il invente au langage dont il sait si bien faire jouer les articulations pour mentir, tromper, pousser les limites de la pensée ou encore reconstruire l’harmonie du monde :

Lorsque nous avons oublié que nous participons à la construction du monde, et que nous sommes devenus esclaves de formes laissées par les morts, alors un rusé artisan (« artus-worker ») peut apparaitre, effacer les vieilles frontières de façon si totale qu’aucun interdit ne subsiste et que la création doit repartir de zéro.
Ou parfois il peut juste desserrer les anciennes liaisons, graisser les articulations afin qu’elles puissent jouer ou les ouvrir afin que le commerce puisse apparaitre là ou « les règles » l’interdisait. En somme, lorsque la forme de la culture devient un piège, l’esprit du trickster nous dirige vers des changements profonds afin de rendre à nouveau la possibilité du jeu avec les articulations de la création, la possibilité de l’art.

La frontière entre le troll-trickster et le troll-destructeur n’est cependant pas étanche. La création va toujours avec une forme de destruction et de déliaison. La mise en jeu de l’infantile du troll trickster peut tout à fait provoquer des destructions graves comme le montre bien l’histoire de Communitree.

Des rêveurs et des idéalistes avaient établi dans le cyberespace une communauté dans laquelle la liberté de parole était la règle absolue. Sous l’égide de l’imaginaire de l’Arbre, chaque membre pouvait créer une branche abritant des conversations. L’arbre était si bon qu’il vint à l’idée des membres de Communitree de le partager avec des enfants. Communitree s’ouvre alors aux collégiens américains qui y accèdent à partir des laboratoires d’informatique de leurs écoles.

La communauté sera détruite en quelques semaines, submergée par les blagues scatologiques et sexuelles des enfants. Elle sera incapable de mettre en place des systèmes de protection et de formation des nouveaux venus à la culture du groupe. Elle le paiera de sa disparition.

“Il faut du chaos pour accoucher d’une étoile qui danse” disait Nietzsche. Cela reste vrai pour les cieux numériques.

> Article publié initialement sur Psy et Geek sous le titre Trolls et Trolls

> Illustration Flickr CC Benimoto et Davidking

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11 événements mémorables du cyberespace http://owni.fr/2011/03/11/10-evenements-memorables-du-cyberespace/ http://owni.fr/2011/03/11/10-evenements-memorables-du-cyberespace/#comments Fri, 11 Mar 2011 12:50:24 +0000 Yann Leroux http://owni.fr/?p=50879 1.Elk cloner [1982]


1982 est l’année d’une grande innovation en informatique: Elk cloner, premier virus se disséminant de façon incontrôlée. Jusque-là, quelques virus avaient été programmés mais uniquement à des fins d’observation et d’étude. Elk cloner se propage via la disquette de démarrage de l’Apple II. À chaque démarrage avec une disquette infectée, une copie du virus est activée et se loge en mémoire vive. Il contamine alors toute disquette saine introduite dans le lecteur de disquette, et se propage ainsi de machine à machine. C’est une grande nouveauté: un virus peut sortir du pré carré d’une machine et partir  à l’aventure de machines en machines. Tous les cinquante démarrages, Elk  signale sa présence par un petit texte ironique :

It will get on all your disks
It will infiltrate your chips
Yes it’s Cloner!
It will stick to you like glue
It will modify RAM too
Send in the Cloner!

Ce premier virus est une sorte d’épure d’un fait dont l’auteur du programme, Nick Skrenta, 15 ans à l’époque, était coutumier. Il avait en effet la fâcheuse tendance à bricoler les machines pour qu’elles affichent des messages provocants ou qu’elles s’éteignent. Cela avait conduit ses amis à ne jamais le laisser toucher leurs ordinateurs, et Nick Skrenta a inventé un stratagème lui permettant d’agir à distance.

2. Leza EverQuest [novembre 2000]

En 2000, une joueuse rejoint la guilde “The companions of Light” sur EverQuest sous le nom de Leza. Son dynamisme et son investissement font qu’elle est rapidement nommée guide par l’éditeur du jeu. Les joueurs peuvent ainsi faire appel à elle pour demander de l’aide et des précisions sur les règles. Elle prend son travail très à cœur même si certains, parfois, se plaignent de ses manières brusques. Beaucoup lui pardonnent car on lui connaît une vie difficile : celle qui s’appelle dans le civil Sheyla a 16 ans, un bébé, et vit chez sa belle-mère car elle a perdu sa mère il y a un an.

En novembre 2000, Leza brise les règles de l’éditeur, en utilisant son nom de guide en dehors des forums officiels du jeu. Verant, l’éditeur,  lui supprime sa fonction de guide. Deux jours plus tard, Kinudi, sa petite sœur avec laquelle elle joue parfois, annonce sa mort sur le forum officiel. Le choc dans la communauté des joueurs est effroyable. Des messages de condoléances affluent, l’éditeur est pointé du doigt. Verant s’affole, et efface tous les messages de son ancienne guide, ce qui ajoute encore à la confusion et à la colère des joueurs.

Des informations contradictoires

Un membre de sa guilde William Joseph Seemer se souvient qu’au printemps, elle était de retour dans le jeu douze heures après l’opération à cœur ouvert qu’elle avait annoncée et qui lui avait valu beaucoup de messages de sympathie. Il avait quelque peu perdu de vue Leza mais, à l’annonce de son suicide, il lui revient à l’esprit qu’elle avait raconté qu’elle avait été enceinte une fois, et qu’après une fausse couche, elle ne pouvait plus avoir d’enfant. Il est donc surpris de la découvrir mariée et mère d’un enfant de deux ans. Seemer sait qu’elle habite près d’Oklahoma City, et il commence à se renseigner auprès des morgues des environs et n’entend pas parler de suicide. Il téléphone à Jolena, la sœur de Leza et sa colocataire lui apprend qu’elle a déménagé des mois plus tôt et qu’elle n’a jamais eu de sœur.

Seemer n’est pas le seul à s’étonner. Après l’effacement des messages de Leza par Verant, des admins de différents forums (Quellious Quaters bulletin Boards), Scott Jenning (Lum the Mad), des journalistes de sites comme Adrenaline vault et gamers.com, sillonnent l’Oklahoma et le Colorado. Ils appellent les postes de police, fouillent dans les adresses IP et les headers des mails que Leza a envoyés, comparent les logs des chats et appellent le FAI de Leza. Pour en arriver à ceci : Sheyla / Leza et sa famille sont une construction d’un couple qui partageait un compte email et qui vit à Oklahoma city. Leza n’a jamais existé – sauf de façon imaginaire. Jolena était jouée par Madame et Sheyla par son mari. Il y a bien eu une mort : celle du couple. Le suicide a été élaboré par le mari pour prouver ainsi l’instabilité de sa femme afin d’obtenir du tribunal un jugement qui lui soit favorable pour la garde de leur fille.

3. Shawn Woolley EverQuest [novembre 2001]

En novembre 2001, Shawn Woolley se suicide avec une arme à feu, son ordinateur connecté au jeu. Les circonstances de sa mort provoqueront un grand émoi et contribueront grandement à répandre l’idée que les jeux vidéos, et plus particulièrement les jeux massivement multi-joueurs puissent être des objets d’addiction.

Shawn Woolley commence à jouer à Everquest en février 2000. En avril, il emménage dans un appartement. Le 1er juillet, Shawn Woolley fait une crise d’épilepsie importante, imputée aux nombreuses heures de jeu qu’il a passées à jouer à EverQuest les jours précédents. Son patron exige de lui qu’il assume son travail et refuse de le renvoyer chez lui alors que d’évidence, il n’en est pas capable. Shawn Woolley démissionne. Il entre dans ce qui semble être une profonde dépression: il ne sort plus de chez lui, ne cherche pas un nouvel emploi, et consacre tout son temps à EverQuest. En septembre, il est expulsé et retrouve la maison de sa mère. Un conseil est pris auprès d’un professionnel qui conclut à l’absence d’addiction. À la maison, le climat se détériore: Shawn joue, et sa mère le pousse à trouver un travail. Finalement, elle lui demande de quitter la maison. Shawn emménage dans un hôtel.

Il hallucine: il est dans le jeu

En janvier, suite aux démarches de sa mère, Shawn est reçu dans un centre de traitement: une dépression et un comportement schizoïde sont diagnostiqués. Shawn est admis dans l’institution. Un traitement médicamenteux et une thérapie de groupe sont appliqués. De janvier à février, une amélioration est notée. Shawn joue toujours à EverQuest en l’absence de sa mère. Lorsqu’elle s’en aperçoit, elle emporte le clavier avec elle. Il achète un clavier. En juin 2001, Shawn quitte l’institution pour un appartement thérapeutique. Il rentre toujours chez sa mère pour jouer à EverQuest. Le 20 juin, après une crise d’épilepsie survenue pendant qu’il jouait, il hallucine: il est dans le jeu. En août, il s’achète un ordinateur pour jouer à EverQuest. Du 30 octobre au 10 novembre, il ne se connecte pas sur son compte habituel.

En novembre, sa mère souhaite qu’il passe Thanksgiving en famille. Elle tente de le contacter deux semaines avant les vacances et, n’y arrivant pas, elle appelle son superviseur. Elle apprend que Shawn n’a pas été vu depuis une semaine, et que ses collègues s’inquiètent car il n’est pas du genre à s’absenter. Entre temps, Shawn a commencé à jouer sur un autre serveur. Le 13 novembre, il a acheté un pistolet. Le jeudi avant Thanksgiving, Mme Woolley va chez son fils. Shawn ne la laisse pas entrer. Il lui affirme qu’il a changé de travail. Le lundi suivant, lorsqu’elle se rend à l’adresse qu’il lui a indiquée, elle apprend que l’on a jamais entendu parler d’un Shawn Woolley. Le vendredi 21 novembre, Mme Woolley se rend à nouveau chez son fils mais trouve encore porte close. Le lendemain, elle se fait ouvrir la porte par le propriétaire. James est assis devant son ordinateur. Il s’est tué avec son pistolet. La dernière connexion remonte au 20 novembre.

4. Le meurtre de Lord British – Ultima Online [8 août 1997]

Le 8 août 1998, la quasi totalité de la population d’Ultima Online est réunie dans le château de Lord British alias Richard Gariott, fondateur du jeu. Le roi doit y faire une apparition aussi rare qu’attendue. Il se prépare au château de Lord Blackthorn en compagnie de quelques proches lorsqu’un joueur nommé Rainz l’attaque. La garde, tout comme les chevaliers de Lord Blackthorn restent immobiles et le roi tombe sous les coups de “fire field” de Rainz qui disparait une fois son forfait accompli. La nouvelle se répand rapidement sur le serveur, provoquant la stupeur: le roi est mort. Rainz sera banni du serveur, officiellement du fait de plaintes de personnes à son encontre. La mort du roi sera mise au compte de l’oubli de Richard Garriott d’exécuter la commande qui aurait protégé son personnage et du lag.

5. Leroy Jenkins ! – World of Warcraft [avril 2005]

Alors qu’un groupe d’aventuriers se prépare à livrer un difficile combat et échafaude le meilleur plan tactique à suivre, un paladin, Leroy Jenkins, se rue sur un groupe de dragons en criant son nom. La suite est un désastre total: tout le groupe est massacré. La vidéo fera le tour du Net et le nom de Leroy Jenkins entrera dans la légende : une ballade lui est consacrée, son nom est cité comme indice dans le jeu Jeopardy, un personnage du jeu de carte World of Warcraft porte son nom, d’autres jeux MMJ (massivement multijoueurs) y font référence, et “to pull a Leroy” signifie maintenant “faire une connerie qui ruine les efforts de tout le monde”.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

6. Un coup de maître – EVE Online [avril 2005]

18 avril 2005. Systeme d’Aras. 05 heures. Mirial, CEO de Ubiqua Seraph Corporation et son fidèle lieutenant, Arenis Xemdal, émergent d’un portail de téléportation. Tous deux pilotent des vaisseaux de classe Apocalypse, les plus puissants et les plus onéreux d’EVE online, un MMORG. Leurs vaisseaux sont attaqués et détruits. Mirial est assassinée ainsi que son fidèle lieutenant. Mirial naviguait dans un vaisseau de classe Navy Apocalypse. C’est le point de départ d’une opération de grande envergure de la Guiding Hand Social Club. Pour un milliard d’ISK, la GHSC avait accepté une année plus tôt un contact assez spécial: la preuve de la mort de la CEO. Un tel contrat sur EVE Online n’est pas rare. Ce qui l’est plus, c’est la longueur de la préparation de l’opération, son ampleur, et le montant du butin final. En une heure, l’Ubiqua Seraph Corporation voit ses hangars investis, ses coffres vidés, et ses principaux officiers tués. La GHSC rapportera de cette opération la satisfaction totale de son client qui, pour des raisons de vengeance personnelle, souhaitait que Ubiqua Seraph Corporation vive un Peal Harbour. La Guiding Hand Social Club tirera de l’opération 30 milliards d’ISK (16.500 USD) de biens volés, et une notoriété due à la précision et à l’audace de ce coup de maître.

7. L’épidémie de peste – World of Warcraft [septembre 2005]

En septembre 2005, une épidémie ravage les capitales de ForgeFer et d’Oggrimar. Le foyer infectieux vient de Zul’Gurub, une instance qui vient d’être ouverte avec le Patch 1.7 et dans laquelle une équipe de vingt joueurs doit faire face à Hakkar l’Écorcheur d’Âmes, Sang Dieu d’une ancienne tribu de trolls de la jungle. Hakkar jette sur ses premiers adversaires son sort de Sang Corrompu qui diminue à intervalle répété les points de vie du personnage infecté. Le sort se répand également par contamination. Il devait être limité à l’instance, mais il a été conduit à l’extérieur par les compagnons des chasseurs et des démonistes. Du fait de la concentration de la population, le Sang Corrompu se répand comme un feu de paille dans les capitales, tuant en quelques secondes les personnes de bas niveau. Un patch de Blizzard mettra fin à la contamination.

8. La mort du Dormeur, EverQuest [15-17 novembre 2003] – ou La Mort De Ce Qui Ne Pouvait Être Tué

Présenté comme “intuable”, Kerafyrm le Dormeur provoqua une grande excitation dans EverQuest. Avec une fourchette allant de 100 à 400 millions de points de vie (une divinité en a deux millions), réveiller le Dormeur était devenu un défi de taille et particulièrement excitant: le Dormeur ne pouvait être réveillé qu’une seule fois par serveur. Il sera relevé par deux cents joueurs qui viendront à bout du titan en quatre heures. Mais la fin n’est pas à la hauteur de leurs espérances. À 27% de points de vie, le Dormeur disparait soudainement, sauvé de sa mort “impossible” par un bug ou un maître de jeu. Sony s’en excusera, et les même joueurs en viendront à bout le lendemain en moins de trois heures.

Le Dormeur avait été réveillé une première fois sur le serveur The Rathe le 28 juillet 2001 après que la guilde Blood Spider avait tué Ventani, le quatrième gardien. Le 15 novembre 2003, sur le serveur PvP Rallos Zek, trois guildes de haut niveau (Ascending Dawn, Wudan, and Magus Imperialis Magicus) ont rassemblé plus de 180 joueurs pour réveiller le Dormeur. Les guildes s’étaient associées pour couper l’herbe sous le pied à un moine, Stynkfyst, qui tentait de rassembler autour de lui suffisamment de joueurs pour tuer Kerafyrm et empêcher ainsi les guildes de se partager son butin. Il sera vaincu avec la facilité que l’on sait, grâce aux sorts de brûlure du mana des sorciers, aux armes épiques, et aux clercs qui ramèneront à la vie leurs compagnons plus vite que Kerafrym ne pouvait les tuer.

9. La quête du lapin estrocante (”vorpal bunny quest”) Asheron’s call [date non retrouvée]

Dans le jeu Ascheron’s Call, les personnages de niveau 10-14 peuvent mener une quête nommée “The vorpal bunny”, en référence à la scène de Sacré Graal [vidéo] dans laquelle des chevaliers sont massacrés par un petit lapin blanc. Des personnages n’ayant pas effectué la quête en temps voulu commencèrent une campagne de lobbying pour que la quête soit accessible après le niveau 14. Ils finirent par avoir gain de cause: les caractéristiques de l’estrocant lapin sont augmentées. Quelques heures plus tard, un seul survivant se présente à la porte de la ville, talonné par le lapin qui y fait, exactement comme dans Sacré Graal, un massacre. Des centaines de personnages sont tués. Le lapin est si rapide qu’il faut faire des captures d’écran pour pouvoir le voir. Du haut d’une tour, des magiciens lui lancent des sort, avec pour seul effet de constater que le lapin est immunisé à la magie. Un joueur réussira à l’attirer en dehors des limites de la ville, mettant fin au massacre. À la suite de cet incident, une Chasse au Lapin Estrocant sera ouverte à tout personnage au dessus du niveau 20.

10. La personne de l’année Times [décembre 2006]

L’histoire n’est plus faite seulement par quelques individualités, mais par la multitude. L’Internet, et plus exactement le www, permet à une multitude de s’organiser, de travailler et de jouer en commun. Le Time officialise ainsi pour le monde offline ce que Tim O’Reilly avait pressenti en septembre 2005 et baptisé du nom de web 2.0 en faisant de l’internaute la personne de l’année 2006.

11. Anshe Chung millionnaire en dollars dans Second Life [2006]

Une brèche est portée dans le mur qui jusque-là voulait établir une distinction étanche entre monde réel et monde virtuel. En deux ans et demi,  Anshe Chung a converti une mise initiale de 9,95 dollars par mois en une rente d’un million de dollars. Elle a acheté et revendu (ou loué) les terrains qu’elle avait précédemment valorisés en le mettant en forme. Elle gère aujourd’hui une entreprise d’une dizaine de personnes à Wuhan. Anshe Chung est connue sous le nom de Ailin Graef à Francfort.

Billet initialement publié sur Psy et Geek ;-)

Image CC FlickR Tamara Areshian Idiolector damclean Zebra Pares crazykinux

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Les étranges fruits de Facebook http://owni.fr/2011/01/18/les-etranges-fruits-de-facebook/ http://owni.fr/2011/01/18/les-etranges-fruits-de-facebook/#comments Tue, 18 Jan 2011 09:24:40 +0000 Yann Leroux http://owni.fr/?p=42849 La nouvelle s’est répandue sur Facebook  trainée de poudre : “on a trouvé un pédophile !” Une page d’alerte a été créée et a recueilli en quelques heures plus de 3100 personnes. On y dénonce une personne que son profil accuserait : on y voit beaucoup d’enfants, il commente les photos de jeunes garçons et un de ses amis Facebook affiche sur sa photo de profil un provocateur « I like sex with boys »

Se sentir affilié à un groupe peut modifier nos normes

Nous sommes des êtres tellement sociaux qu’il nous il suffit d’être confrontés à des avis congruents pour être fortement tentés d’avoir de le même. Dans les années 1950 des psychosociologues ont mis en lumière les processus d’influence qui nous façonnent. Ils ont montré que nous avons tendance à adopter les normes du groupe mais aussi que nous les adoptons même lorsqu’elles vont à l’encontre de nos perceptions ou de nos conceptions. Le fait de se sentir affilié au groupe est en soi une motivation suffisamment puissante pour qu’un individu adopte une norme opposée à ses perceptions ou à ses valeurs.

Cette mise à l’écart de la conscience de soi est appelée désindividuation en psychologie sociale. C’est cette désindividuation qui a donné dans les années 40 aux arbres d’Alabama ou du Mississipi d’étranges fruits. Qu’un homme crie « A mort ! » et on se hâtait. De mains agrippaient un corps, une corde était jetée par-dessus une branche et la foule appliquait la loi de Lynch. Du fait de la désindividuation, chacun était appelé à agir non plus en fonction de ses normes internes mais en fonction de ce que font et vivent les autres.

Des foules se forment autour de différentes causes

Ces foules se rassemblent aujourd’hui sur le réseau. Le phénomène n’est pas nouveau. Pour donner un exemple français et récent, on se souvient de la fièvre qui a saisit la blogosphère autour des photos de « Laure Manaudou nue ». Sur Facebook, on a vu d’immense foules se former à l’appel de différentes causes. Pour soutenir la lutte contre le cancer du sein, il fallait mettre sur son mur « je l’aime sur… », tandis que l’année précédente, il fallait afficher la couleur de … ses sous-vêtements. Pour la cause des enfants, il fallait au mois d’octobre mettre un personnage de dessin animé préféré en photo de profil. Il n’y a bien évidement aucun lien rationnel entre la cause défendue et les actes réalisés. Comme toutes les foules, les foules numériques ne fonctionnent pas sur le mode de la pensée rationnelle et consciente. Elle font une large part à la vie inconsciente. Le portrait dressé par Sigmund Freud d’une foule : « impulsive, mobile, irritable, » « incapable d’une volonté persévérante », pleine d’un « sentiment de toute puissance », « influençable et crédule », « dépourvue de sens critique » correspond parfaitement aux rassemblement qui se produisent sur Facebook. Ainsi, après avoir cru que changer l’image de son profil aidait la cause des enfants, la foule croira aussi éperdument que c’était un piège tendu par des pédophiles. En fonction du personnage affiché, les pédophiles auraient pu évaluer l’âge de la personne et à partir de là contacter des enfants. C’est que la foule vit une une vie rêvée :

Comme dans le rêve et dans l’hypnose, dans l’activité psychique des foules, l’épreuve de réalité disparait face à l’intensité des motions de désir investies affectivement.
(Freud, 1921, p. 137)

Avec ses 700 millions de membres et le clair-obscur que sont les mondes numériques, Facebook donne de nombreuses occasions de former des foules. Une foule offre de grands avantages par rapport à l’individu. Elle ne se pose pas de questions. Elle s’offre comme une évidence. La foule sait que telle personne est pédophile. Elle est certaine de ses preuves. Elle dénonce. Elle invective. Elle insulte. Elle menace.

Dans cette foule, les individus se laissent aller aux fantasmes les plus crus !

Le second avantage de la foule est qu’elle permet à chacun de se montrer agressif, violent ou cruel en toute impunité. Il n’y a qu’a lire les quelques commentaires de la page de dénonciation pour avoir une idée de la haine mise en jeu. Derrière la figure du pédophile honni se profile vite la haine de l’homosexuel. Dans sa passion de justice immédiate, la foule oublie que si la pédophilie est un crime, l’homosexualité n’est ni un crime, ni une maladie. On en appelle à l’émasculation voire même à l’exécution. Le coté instinctuel de la foule avait été noté par Sigmund Freud après Gustave Lebon. Les foules en ligne ne se montrent pas très différentes. Dans cette foule, les individus se laissent aller aux fantasmes les plus crus !

Chacun se rassemble sous l’idéal commun : « il faut protéger les enfants » et chacun s’identifie à ses voisins. La foule est alors doublement verrouillée : d’abord par la désignation d’un mauvais objet à détruire et ensuite par l’amour témoigné aux enfants.

Les foules d’hier comme les foules d’aujourd’hui ne supportent pas d’attendre. Attendre, c’est penser. Penser, c’est se défaire de la foule. Se défaire de la foule, c’est abandonner la toute puissance imaginaire qu’elle offre. Hier, on jetait une corde au dessus d’une branche. Aujourd’hui, on crée un groupe Facebook. Cependant, hier comme aujourd’hui, l’enthousiasme avec lequel ces foules se rassemblent ne doit pas faire oublier qu’elles enfreignent la loi.

Il est souhaitable que Facebook ne se couvre pas de « fruits étranges ».

Article initialement publié sur PsyetGeek.com

Image Flickr : Pereztonella / Vinco / Philippe Leroyer

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Dans quelle ère numérique vivons-nous? http://owni.fr/2010/12/16/dans-quelle-ere-numerique-vivons-nous/ http://owni.fr/2010/12/16/dans-quelle-ere-numerique-vivons-nous/#comments Thu, 16 Dec 2010 17:26:54 +0000 Yann Leroux http://owni.fr/?p=39404 On désigne par “chasseurs-cueilleurs” des groupes d’humains vivant de chasse, de pèche, de cueillette ou du charognage. Ils utilisent les ressources immédiatement disponibles dans la nature. La notion vient des travaux des préhistoriens qui opposaient ce mode de vie à celui du pastoralisme.

Vere Gordon Childe a nommé “révolution néolithique” le passage de l’économie de la chasse et de la cueillette à une économie basée sur l’agriculture et le pastoralisme. Cette révolution néolithique transforme de petites communautés humaines en des ensembles plus vastes, contenus dans l’enceintes des villes, et bientôt régulées par des règlements et des lois écrites

Examinant les communautés en ligne, Lee Komito les rapproche des premières communautés humaines de chasseurs-cueilleurs. Il décrit des groupes de taille variable, s’agrégeant au fil des saisons, se déplaçant pour trouver des ressources. Ce nomadisme les oblige à avoir peu de bien matériels. Au nomadisme des groupes s’ajoute celui des individus qui n”hésitent pas à aller de groupe en groupe. Ces communautés sont temporaires, puisqu’il n’y a pas de sentiment d’un bien commun ou d’une identité collective. L’idéologie de ces groupes est égalitaire : chaque individu obtient du prestige en fonction de ses habilités. Les leaders émergent par la force de leur exemple. Les conflits sont gérés au travers de duels qui ritualisent la violence. La plupart du temps il s’agit de disputes orales où l’on tente de moquer ou d’humilier l’autre.

Pas de fidélité au groupe

Lee Komito voit entre les communautés de chasseurs-cueilleurs et les communautés en ligne des ressemblances frappantes. En ligne, l’idéologie dominante est l’égalitarisme. Personne ne peut imposer sa volonté à personne, et les groupes ne peuvent pas s’appuyer sur une autorité centrale. Les conflits y sont réglés par la recherche de consensus ou des joutes orales. La fidélité à un groupe est inexistante. Les individus vont d’un groupe à l’autre sans être vraiment attaché à aucun. Beaucoup de groupes en ligne n’ont pas de frontières stables, et il peut être difficile de savoir qui s’y trouve et qui ne s’y trouve pas.

Lee Komito remarque que certains groupes peuvent avoir une autorité centrale (par exemple le modérateur). Ces groupes développent un sentiment d’appartenance, une distinction entre les membres du groupes et les autres et des buts partagés. Cependant, le modèle des communautés de chasseurs-cueilleurs lui semble suffisamment intéressant. En effet, dans les deux cas, les communautés peuvent s’avérer incapables de mettre fin à un comportement anti-social ou d’imposer des limites à leurs membres. D’ou la question :

Est ce que les individus d’aujourd’hui vont à la cueillette de l’information comme ceux d’hier allaient à la recherche de nourriture?

Lorsque l’on jette un regard sur les communautés en ligne, le parallèle de Lee Komito est frappant. Nous passons notre temps à glaner des informations, à les stocker dans des silos individuels (les favoris) ou collectifs (les sites de social bookmarking). Certains d’entre nous les transforment en bloguant ce qu’ils trouvent tandis que d’autres transmettent tels quels en les propulsant (forward) auprès de leur propre communauté sociale.

Plusieurs temporalités

Cependant, le parallèle appelle au moins deux réserves. La première est que Lee Komito est victime de l’illusion anthropologique de Childe. Childe considérait en effet que l’on pouvait situer les différentes communautés sur une ligne de temps. Les chasseurs-cueilleurs seraient les communautés les plus archaïques et elles seraient remplacées par les communautés pastorales et agricoles qui inventent la loi, l’écriture, la ville. Childe considérait par ailleurs que les communautés actuelles de chasseurs-cueilleurs étaient identiques au communautés préhistoriques ce qui permettait de les repérer comme des vestiges infantiles de l’histoire de l’humanité.

Bien évidement, dans cette perspective, les occidentaux correspondraient aux stades les plus avancés du développement de l’humanité. Enfin, nous savons maintenant que les communautés de chasseurs-cueilleurs ne sont pas dans l’état de dénuement que décrit Childe. Elles ne meurent pas de faim, elles ne sont pas livrées a l’arbitraire des désirs individuels et elles consacrent au contraire beaucoup de temps à la culture.

L’image reste cependant forte et elle est toujours utile pour penser le cyberespace. Il faut juste préciser que le cyberespace n’est pas dans une mais dans plusieurs temporalités. Nous sommes quelques part entre les communautés de chasseurs-cueilleurs et les premières villes mésopotamiennes inventées il y a 6.000 ans. La densification des liens produits par le mouvement du web 2.0,  la massification des données partagées grâce à la téléphonie mobile et  l’ouverture des silos de données produits par les villes est similaire à l’urbanisation de la Mésopotamie. On retrouve ici la “révolution urbaine” dont parlait Childe.

Prochaine étape: la ville numérique

L’urbanité modifie les communautés. Elle ordonne l’espace et les personnes dans un même mouvement : des quartiers regroupent des métiers tandis que certains espaces sont dévolus à l’habitat., au commerce, à la vie religieuse.. La ville crée également  la campagne qui l’alimente en matières premières qu’elle transforme en objets relativement identiques dans ses ateliers. L’organisation politique y est plutôt despotique.

Certains forums ont déjà un fonctionnement qui s’apparente à celui des villes mésopotamiennes. Ils sont subdivisés en sous-forums qui sont autant de quartiers. Par exemple, les forums officiels de World Of Warcraft sont subdivisés en fonction de fa faction (horde ou alliance), de la classe du personnage, de sa race. Il existe des forums généraux ou le mélange est possible, et d’autres très spécialisés. Certains fonctionnent comme des ateliers qui produisent des objets – par exemple des macros utilisables dans le jeu – diffusables en masse. Ce n’est pas tout à fait une ville, parce que le forum est organisé défensivement contre l’extérieur. Tout est fait pour que les membres du forum restent sur place. L’étape suivante, la ville numérique, sera atteinte lorsque les forums et les sites de réseaux sociaux se découvriront des campagnes.

Au niveau politique, le forums sont organisés autour de la figure d’un despote, comme l’étaient les premières villes. Cette figure est généralement incarnée par le fondateur du forum qui a sur l’espace du groupe et ses membres tous les droits. Il inclut et exclut, il peut supprimer des messages ou les modifier. Il peut modifier des membres ou les supprimer. Au fil du temps, une nouvelle caste émerge de la masse des utilisateurs. Ce sont les modérateurs qui  et ils empruntent au Fondateur ses attributs jusque parfois les droit de détruire la communauté.

Les sites de réseaux sociaux permettent d’éviter cette organisation politique en l’horizontalisant. Chacun est son propre despote. Chacun décide avec qui il se lie et parfois qui peut se lier à lui. Chacun peut éditer ses messages ou les supprimer. Chacun peut décider de ce qui apparait ou non sur son propre espace. La maitrise donnée aux individus est a la mesure de l’éclatement de l’espace social.

Espaces de bricolage

Dans le cyberespace, la production en masse est facilitée par le copier-coller. Les ateliers sont principalement le fait de designers qui produisent des templates et autres skins pour les blogues ou les avatars. Plus le  template est individualisé, plus il est précieux et donc cher. Vous pouvez facilement avoir un template gratuit pour votre blogue WordPress, mais il vous en coutera de l’argent pour avoir quelque chose (de bien)  fait par 53 Mondays ou Reduplikation. Certains sites fonctionnent comme des ateliers à codes qui fournissent plugins et autres compléments. Par exemple Mozilla fournit des compléments pour son navigateur Firefox. La production et l’utilisation de ces compléments est régulée par la licence Creative Commons qui est le Code d’Hammurabi du cyberespace.

Les subbers qui prennent en charge une matière numérique et la modifient en ajoutant des sous titres sont un autre exemple du travail artisanal qui peut se faire en ligne. D’une manière générale, les mondent numériques restent des espaces de bricolage. La révolution industrielle numérique est encore à venir. On en a tout de même quelques prémices  avec la mise en place d’un prolétariat mine les mondes numériques au profit d’une bourgeoisie. Les farmeurs chinois nous montrent que Germinal est déjà là : eux travaillent sang et eau pour que d’autres puissent jouer.

En ligne, nous ne sommes donc pas seulement à l’époque du basculement dans l’ère néolithique. Nous avons des fonctionnements qui témoignent de différentes temporalités et sociabilités qui vont des chasseurs-cueilleurs aux cités mésopotamiennes. Le mouvement vers l’industrialisation est en marche si l’on en croit le développement d’applications qui bornent le web comme les enclosures ont borné les champs.

Ce billet a initialement été publié sur Psy et Geek

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Crédits photo: Flickr CC Lord Jim, webtreats, peasap

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Quelques observations à propos de la régulation des jeux vidéo http://owni.fr/2010/12/01/quelques-observations-a-propos-de-la-regulation-des-jeux-video/ http://owni.fr/2010/12/01/quelques-observations-a-propos-de-la-regulation-des-jeux-video/#comments Wed, 01 Dec 2010 13:42:49 +0000 Yann Leroux http://owni.fr/?p=37629

Alors que la main droite du gouvernement distribue de l’argent pour développer les pratiques numériques en général et les jeux sérieux en particulier, la main gauche agite un épouvantail : il y a des risques à utiliser des jeux vidéo, et il faut donc mettre en place des régulations. Cela donne lieu à une note d’analyse truffée d’inexactitudes et d’approximations. L’intitulé “Premier ministre” que l’on peut lire sous République Française donne à ce texte des lueurs inquiétantes : est-ce avec une telle note d’analyse que l’on va décider en plus haut lieu du sort des jeux vidéo ?

Le Centre d’Analyse Stratégique vient de publier une note dans laquelle il se prépare à réguler les contenus et les pratiques. Le jeu vidéo suscite des inquiétudes, parait-il :

En premier lieu, la pratique de certains jeux, jugés violents ou choquants, par des jeunes – publics sensibles et fragiles – pose question. Ces contenus sont d’autant plus problématiques qu’ils font souvent l’objet d’une consommation solitaire, fragmentée, répétée et active, qui favoriserait une imprégnation plus forte et l’induction de comportements agressifs.

Le passage est un modèle du genre. On passe d’une pratique qui « pose question »  à des conduites et le seul lien qui est établi entre les deux est qu’ils se trouvent dans le même paragraphe. C’est faible, mais c’est suffisant pour renforcer le mythe d’un lien entre conduites violentes et jeux vidéo violents.

Il faut rappeler ici que la relation directe entre images violentes et comportement violent n’a jamais été faite. Les enfants ne sont pas des robots. Les comportements des enfants sont toujours en écho avec ce qu’ils vivent dans leur famille et leur propre fonctionnement psychique. Lorsque l’on parle des effets d’un média sur les enfants, il faut toujours prendre en compte cette triangulation. L’impact des images violentes dépend donc de l’équipement psychique de l’enfant et de sa famille. Dans certaines, la violence est survalorisée tandis que dans d’autres elle fait l’objet d’un évitement phobique. L’effet des images violentes sur l’enfant sera donc différent selon qu’il appartient à une famille ou à l’autre. Enfin, la violence est d’autant plus probable que les images ne sont pas parlées avec d’autres.

Le Centre d’Analyse Stratégique le reconnait en partie lorsqu’il parle “d’une consommation solitaire, fragmentée, répétée et active, qui favoriserait une imprégnation plus forte et l’induction de comportements agressifs.”

Comment peut-on imaginer que la solution passe par la technique ?

Ce qui pose problème, c’est la solitude. C’est le sentiment d’être abandonné, seul, sans liens suffisants avec ses parents qui rend agressif. L’agressivité est ici le signe des pulsions de vie d’un enfant qui enrage de ne pas être en contact avec sa famille.

On peut bien entendu tenter de réguler les jeux vidéo. On peut mettre un timer, demander à ce que chaque joueur s’authentifie. On peut inventer mille solutions techniques. Mais que fera-t-on avec la solitude de l’enfant ? Comment peut-on imaginer que la solution passe par la technique ? Comment peut-on ne pas voir que la solution est humaine ?

On a ensuite droit au passage sur l’addiction :

“En second lieu, certains redoutent que l’intensification des pratiques ne débouche sur des formes d’addiction. Si l’existence d’une dépendance aux jeux vidéo est débattue, celle d’usages déraisonnés et excessifs fait en revanche consensus. Ces situations, qui demeurent très rares, peuvent avoir des retentissements au niveau psychologique, familial, scolaire, professionnel, etc. En France, les données chiffrées manquent pour évaluer l’ampleur de la demande clinique et élaborer les réponses à y apporter.”

Où a-t-on vu qu’une pratique intensive conduise à l’addiction ? L’addiction n’est-elle pas “la rencontre d’un produit, d’un sujet et d’une culture” ? On connait les effet psychostimulants de la cocaïne : euphorie, sentiment de puissance intellectuelle, indifférence à la douleur, la fatigue et la faim. Pour autant, tout le monde n’est pas cocaïnomane. Il faut pour cela une histoire et des dispositions psychologiques particulières. Enfin, la cocaïne était bien mieux tolérée qu’aujourd’hui comme en témoigne le “vin tonique Mariani (à la coca du Pérou)” dont on disait qu’il “nourrissait, tonifiait et rafraichissait” et qu’il était donc bon “pour le corps et pour le cerveau”.

Le pire c’est qu’il y a bien eu entre les matières numériques et toute une génération une rencontre. C’est pur miracle que les recalés, les laissés de côté, les geeks et autres nerds aient trouvé les matières numériques et les aient utilisées comme matière à penser. Ils ont joué avec des machines qui étaient faites pour calculer. Ils ont ouvert des mondes et construit une culture. Et ils ont permis à la société, celle-là même qui les rejetait comme bizarres et non conformes, d’installer ce qu’ils avaient construit au cœur de son fonctionnement.

Le débat sur l’addiction aux jeux vidéo est clos depuis au moins qu’une méta-synthèse (Byun & al [EN]) a montré la faiblesse des études qui tentent de vendre le concept. Même le DSM américain, qui sait pourtant si bien démembrer la psychopathologie, n’a pas cédé aux appels d’une Kimberley Young qui sait si bien faire marché du cybersexe, de la cyberpornographie, de l’infidélité en ligne, du jeu d’argent en ligne, du jeu vidéo, du surf compulsif, ou de l’addiction à eBay.

Cette méta-synthèse est citée par les auteurs, mais ses conclusions sont passées sous silence : “Les analyses montrent que les études précédentes ont utilisé des critères inconsistants pour définir les addicts à l’Internet, appliqué des méthodes de recrutement qui peuvent causer de sérieux biais d’échantillonnage, et examiné les données en utilisant préférentiellement des techniques d’analyse exploratoires plutôt que confirmatoires pour enquêter sur le degré d’association plutôt que les relations de causalité entre les variables. » Internet addiction : metasynthesis of 1996-2006 quantitative research[EN].

Lorsque l’on prend les autres études citées (Rehbein F., Kleinmann M & Mössie T, (2010) [EN] ;Mehroof M., Griffiths M. D. (2010) [EN] ; Peng W., Liu M. (2010) [EN]) les traits de personnalité que l’on découvre (timidité, dépression, problème de maitrise de soi, recherche de sensation, anxiété, agressivité) montrent bien que ce sont les profils pathologiques qui abusent du jeu vidéo. C’est donc là qu’il faut traiter le problème.

On notera au passage que les articles viennent de la même revue et du même numéro. On peut se dire que la recherche bibliographique n’aura pas été trop profonde mais qu’elle permet de construire le mythe du joueur de jeu vidéo en recherche de sensations. Cela tombe bien, c’est précisément sur cette recherche de sensations qu’est construite une des théories de la toxicomanie.

C’est d’ailleurs sur des addictologues, M. Valleur et M. Matysiak que les auteurs s’appuient pour conclure “Pour certains, cette intensification des usages pourrait même donner lieu à des phénomènes d’addiction”.

Visiblement, nous n’avons pas lu le même livre. Je lis :

“Disons-le clairement, nous n’avons pas connaissance de dépendance ou d’addiction aux jeux vidéos parmi les enfants, mais certains abus, certaines pratiques frénétiques témoignent d’un malaise et souvent d’un dysfonctionnement au sein du cercle familial”. (Valleur & Matysiak, 2004)

Dans une de ses recommandations, l’INSERM  met l’accent sur le fait que le jeu pathologique est l’expression d’une souffrance individuelle ou familiale. C’est la souffrance qu’il faut traiter, et non les caractéristiques du média considéré. C’est comme si, devant une fracture d’un membre, on se mettait à changer la disposition des barreaux de l’échelle plutôt que de poser un plâtre.

Éduquer les parents et les enfants au numérique

Ce qu’il convient bien plutôt de faire, c’est éduquer les parents et les enfants au numérique. C’est leur apprendre à lire les dispositifs qu’ils utilisent. C’est de mettre en avant ce en quoi les jeux vidéo sont des objets de culture. C’est donner des outils aux parents afin qu’ils puissent mettre en place les mesures éducatives qui conviennent.

Il serait bienvenu que l’on ne fasse pas des hardcore gamers des équivalents des toximanes. Un hardcore gamer est un passionné qui connait parfaitement son jeu de prédilection et qui souvent contribue par ses contributions en ligne à améliorer son passe -temps favori. Fait-on des passionnés de bridge ou d’échec des personnes qui doivent nécessairement bénéficier d’une aide psychologique ? Plus étonnant : s’étonne-t-on de l’engouement populaire pour un jeu d’argent comme le poker en ligne ?

il me semble que les auteurs rencontrent ici une difficulté que l’on trouve aussi ailleurs. Certains voudraient bien de la manne que représentent les jeux vidéo mais sans les aspects un peu sales qu’ils peuvent parfois avoir. Oui, certains FPS (first-person shooter, jeu de tir en vue subjective, où le personnage évolue dans un univers en 3D, ndlr) aiment le gros rouge qui tache. Oui, certains jeux sont parfois d’un goût douteux. Oui, certains jeux choquent parfois, surtout lorsque l’on s’arrête à une image dans laquelle on voit un cadavre dans une mare de sang. Et non, les FPS ne sont pas des précurseurs à des massacres à la Columbine. Non, l’immersion dans les jeux vidéo ne prélude pas à une indifférenciation entre le réel et l’imaginaire. Non, la moralité n’est pas soluble dans les jeux vidéo.

C’est même plutôt le contraire. Les jeux vidéo embarquent des idéologies et il convient plutôt à apprendre aux enfants à les décoder pour pouvoir en jouer sans être dupes des rôles qu’on leur donne à jouer. Non, la pax americana n’est pas toujours la bonne solution. Non, les bad boys ne sont pas toujours les ennemis de l’Amérique. Non, le monde n’est pas partagé entre les salauds et les héros.

Il y a dans le texte de cette note d’analyse un glissement des plus intéressants : on passe de l’horreur de Columbine au fait que le jeu vidéo peut être “un des déclencheurs [du comportement déviant] pour une personne fragile, comme peut l’être un jeune en période d’adolescence”.

Non. Non, un adolescent banal n’est pas un individu si fragile qu’un jeu vidéo puisse déclencher pour lui et son entourage des catastrophes. Il est donc inutile de mettre en place un dispositif pour “protéger” tous les adolescent d’un danger qui ne concerne qu’une infime partie d’entre eux.

D’un cas particulier à une généralisation bien commode

On passe d’une situation très spécifique : Columbine, les États -Unis, deux adolescents avec des troubles psychologiques, les armes en vente libre à une situation générale : les adolescents dont on fait au passage des personnes fragiles. On a ainsi défini une vaste population à partir d’un cas qui est aussi anecdotique que terrible, et l’on peut donc se préparer à mettre en place des mesures de régulation.

Il est difficile de ne pas penser qu’il y a là un enjeu de marché. Après avoir être passé par les tumultes de “l’addiction aux jeux vidéo”, le lecteur tombe sur un encadré qui cadre bien ce dont il s’agit. Il y a les bons jeux. Les jeux sérieux. Et puis il y a les mauvais jeux. Ceux qui parlent et jouent avec la violence, le sexe, la mort. Mais imagine-t-on une adolescence qui ne traverse pas ces questions ? Pour certains adolescents, le réseau est même le seul endroit ou ils peuvent encore éprouver leur tumultueuse jeunesse. J’ajouterais même : il y a les bons jeux sérieux qui font gagner du bon argent. Et il y a les mauvais jeux qui font gagner du mauvais argent. Il y a les bons jeux sérieux qui font apprendre l’idéologie de l’entreprise par exemple. Et puis il y a les mauvais jeux où des joueurs se permettent de détourner les dispositifs.

On croit rêver lorsque l’on découvre qu’il y a les bon jeux qui ramènent la paix dans les familles et il y a les mauvais jeux qui apportent des disputes. Moi qui pensais que les disputes dans les familles étaient liées à des positions de désir et des enjeux de pouvoir ! Comment oublier que ce sont les parents qui payent la soixantaine d’euros que coûte un jeu neuf, lorsqu’ils n’encouragent pas le piratage de leur enfant pour s’économiser quelques euros. Ce qui est en conflit dans l’utilisation du jeu vidéo, ce n’est pas le jeu, mais les positions des uns et des autres. Certains enfants redoutent, parfois pour des raisons imaginaires, d’autres fois pour des raisons réelles, les tunnels que sont les repas familiaux. D’autres sont trop pris par des angoisses de séparation pour pouvoir lâcher le jeu. D’autres encore éprouvent la capacité de l’environnement à les contenir. On pourrait multiplier les exemples, mais il est assez clair, je pense, que ces enjeux existent aussi bien avec une boite de Playmobil.

Je m’étonne toujours de ce que tant de parents abandonnent leurs enfants à leurs jeux vidéo. Abandonne-t-on les enfants à leurs pratiques sportives ? Ne leur demande-t-on pas comment s’est passé leur match ? Pourquoi ne leur demande-t-on pas comment s’est passée leur partie de jeu vidéo ? Pourquoi ne comprend-on pas que perdre à un jeu vidéo est frustrant et que cela peut mettre de mauvaise humeur ? Pourquoi n’aide-t-on pas l’enfant dans ces moments difficiles ? Pourquoi l’agresser en lui reprochant sa mauvaise humeur, voire en le punissant ?

Un enfant qui va bien est un enfant qui est capable de prendre soin de lui et de s’abandonner à un sommeil réparateur. Il arrive que des enfants perdent le sommeil. Il y a alors un cercle vicieux qui s’installe : l’insomnie ne permet plus un suivi scolaire satisfaisant, et provoque des mauvais résultats qui augmentent l’anxiété et l’insomnie. Un enfant qui veille jusqu’a minuit, parce qu’il chatte ou joue à un jeu vidéo est d’abord un enfant qui présente un trouble du sommeil. L’activité (lecture, chat, jeu vidéo) masque le trouble du sommeil et donc la dépression ou l’anxiété sous-jacente. Va-t-on modifier les livres ou les jeux vidéo pour qu’ils se ferment automatiquement à 9 h 30 ou va-t-on traiter le trouble psychologique de l’enfant ?

On croit encore rêver lorsque l’on tombe une nouvelle fois sur l’histoire-de-celui-qui-est-mort-après-avoir-joué-une-cinquantaine-d’heures-de-jeu-vidéo ou l’histoire-de-celui-qui-tue-son-père-à-cause-des-jeux-vidéo. Pour ce dernier cas, la note de bas de page renvoie à une autre histoire : un-enfant-meurt-à-cause-des-jeux-vidéo qui n’est qu’un cas de plus de panique morale.

Pourtant, cinquante heures assis à jouer à un jeu vidéo vous tuent aussi sûrement que cinquante heures à lire Guerre et Paix. Ce qui tue, ce n’est pas le média, c’est le syndrome de la classe assise. Pour ce qui est du parricide, le lien entre passage à l’acte et psychose a suffisamment été fait pour que l’on n’y ajoute pas les jeux vidéo comme cause.

“10% réellement victimes d’addiction”

On frémit lorsque l’on croise les exemples de la Corée et de la Chine. Souhaite-t-on voir apparaitre en France des boot camps dans lesquels sous prétexte de les soigner, des adultes passent leur temps à sadiser des adolescents ? L’apparition d’une “clinique” pour la “cyberaddiction” en Chine est à mettre au regard de la fermeture de la plus vieille consultation européenne ouverte par Keith Bakker en 2006. Les raisons ? Les joueurs compulsifs (de jeu vidéo) ne sont pas addicts [EN] [FR]. Mais la nouvelle de la fermeture en 2008 ne semble être arrivée aux rédacteurs que deux ans plus tard : “Après quatre années d’existence, le directeur de la clinique dresse deux constats : la demande est très forte mais seules 10% des personnes traitées sont réellement victimes d’addiction, les autres souffrant davantage de problèmes de socialisation qu’un meilleur encadrement parental, scolaire et social aurait pu prévenir.”

“10% réellement victimes d’addiction” ? Dommage que le propos ne soit pas sourcé. Car on peut entendre le même Keith Bakker dire  :“Si je continue à parler d’addiction au sujet du jeu vidéo, ça enlève l’élément du choix qu’ont ces personnes. C’est un revirement total de ma pensée et aussi un revirement de celle de ma clinique et de la manière de traiter ces gens (…) Dans la plupart des cas de jeu compulsif, il ne s’agit pas de dépendance, la solution est ailleurs.” Gameblog.fr

En somme, il y a beaucoup de demandes mais les problèmes viennent dans la majorité des cas de difficultés familiales, scolaires et sociales et non des jeux vidéo. Un petit nombre de personnes s’avèrent être des joueurs compulsifs et non des joueurs dépendants.

L’essentiel de cette note d’analyse ne semble pas de voir la situation telle qu’elle se présente mais de se donner des raisons de réguler. La note d’analyse fait quelques propositions.

Donner des repères temporels au jeu ? Fort bien, mais ce ne sera plus du jeu alors. Ce qui caractérise le jeu, c’est précisément le fait de s’immerger si totalement dans une activité que l’on en perd le sens du temps et de l’espace. Le joueur n’est plus tout à fait de ce monde : il est dans un espace et une zone de fonctionnement dans qui se rapproche de l’hallucination sans en être tout à fait. Il ne s’agit pas ici de jeu vidéo mais de jeu tout court. Blizzard avait expérimenté en son temps un système de fatigue au cours duquel les personnages accumulaient moins de temps au fil des heures passées à jouer dans un même sessions. Le système n’a pas été apprécié par les joueurs et le système de repos actuel a été mis en place : le personnage gagne le double de points d’expériences lorsqu’il est reposé, et n’a pas de bonus en état normal. L’apparition d’avertissement et autres pop-up sont des nuisances au jeu mais le joueur s’y habituera jusqu’a ce que un addon soit proposé…

Finalement, qui peut dire que le temps de jeu est terminé ? S’agissant d’enfants, la réponse est simple : les parents. C’est aux parents qu’il revient d’annoncer à l’enfant qu’il est temps de revenir à un mode de fonctionnement normal, et donc d’avoir à subir l’agressivité de leur enfant. Donner cette tâche à un programme informatique n’aidera pas les enfants à grandir.

La volonté de vouloir protéger à tout prix conduit à des absurdités. Comment serait noté un jeu basé sur Le loup et les 7 chevreaux ? N’y trouve-t-on pas de la violence gratuite ? N’y éventre-t-on pas un protagoniste ? N’y abandonne-t-on pas des petits dans un environnement qui s’avère finalement mortel ? N’est-ce pas là un contenu inapproprié aux enfants ? Il faudrait les laisser en compagnie des Teletubbies ? Hélas, on sait maintenant que l’exposition à ces innocents personnages a des effets néfastes sur l’acquisition du vocabulaire. On sait aussi que jouer à des jeux aussi comme FPS peut avoir des effets positifs. Même les FPS qui aiment le rouge qui tache.

Le plus énervant est la mauvaise foi de cette note d’analyse. Il suffit par exemple de taper “Columbine” dans un moteur de recherche pour trouver des articles très bien documentés et qui interdisent de mettre les jeux vidéo dans l’équation. On aurait souhaité une recherche bibliographique plus fouillée. On aurait aimé un peu plus de rigueur dans le travail. La question est donc : pourquoi tant de fureur à vouloir introduire des régulations ?

Billet initialement publié sur Psy & Geek ;-)

Image CC Flickr somegeekintn, Mr. & Mrs. S.V., Patrick Q et zeynep’arkok

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http://owni.fr/2010/12/01/quelques-observations-a-propos-de-la-regulation-des-jeux-video/feed/ 13
Passés numériques http://owni.fr/2010/10/27/passes-numeriques/ http://owni.fr/2010/10/27/passes-numeriques/#comments Wed, 27 Oct 2010 13:13:52 +0000 Yann Leroux http://owni.fr/?p=33721

J’ai lu sur le Bloc-notes visuel, d’André Gunthert un commentaire ironique d’un court article publié sur LeMonde.fr qui découvrait horresco refferens que des parents postaient sur Facebook les images de leur progéniture à peine née :

L’alarmisme du Monde provient de la confusion entre téléchargement et “identité numérique” commente André Gunthert.

Il est vrai qu’une image ne fait pas une identité numérique. Celle-ci se construit au fil du temps : il faut l’accumulation des messages, des images, mais aussi des commentaires et les liens que font les autres pour que quelque chose comme une identité numérique émerge.

Il faut dire à la décharge de LeMonde.fr que l’alarmisme est déjà dans l’article de référence :

D’abord, vous créez une histoire digitale pour un être humain qui va le ou la suivre le reste de son existence. Quelle sorte d’empreinte voulez-vous pour votre enfant, et qu’est ce qu’ils penseront  plus tard de ce que vous avez mis en ligne ?

Ensuite, cela rappelle la nécessité pour les parents d’être soucieux des réglages de leur réseau sociaux et de leurs autres profils. Sinon, partager l’image d’un bébé et une information peut ne par être partagé uniquement avec des amis et la famille mais avec tout l’Internet AVG CEO JR Smith

Un fait demeure : un enfant qui nait aujourd’hui aura un historique numérique presque complet de son existence alors que les plus geeks d’entre nous ne peuvent guère remonter au-delà de 20 ans. il faut comparer cela à ce que dit Mc Luhan qui faisait remarquer dans les ‘50 qu’un enfant de 10 ans a déjà vu plus d’images qu’un homme de 65 ans.

Plusieurs remarques. D’abord, nous sommes devenus des méga-producteurs de documents. Nous documentons nos vies et celles de nos proches, nous en sommes les patients archivistes et bibliothécaires. Les visions romantiques qui rapprochaient l’homme, la bibliothèque et le livre deviennent une réalité dans le cyberespace. L’homme y devient un document comme les autres (Olivier Ertzcheid).

Ensuite, le cyberespace est de moins en moins vu comme un monde “virtuel” et de plus en plus vu comme un monde dans lequel on peut laisser son empreinte. Le monde comme virtuel était celui du monde des idées. L’internet était la caverne platonicienne dans laquelle on pouvait admirer les splendeurs idées mathématiques. Il est maintenant de plus en plus un monde sensible qui garde trace de nos actions.

Enfin, les problèmes viennent rarement d’inconnus. Les difficultés que nous avons n  viennent de nos proches, de nos familles. Et les amis d’aujourd’hui ne seront pas nécessairement les amis de demain. Réserver des images à son cercle de connaissances n’offre aucune garantie tout simplement parce que qu’il n’y a pas de garantie quant à l’avenir.

Pour le psychologue, l’avenir s’annonce plein de surprises : comment ferons nous avec les archives familiales ? Allons nous plonger dans les milliers de documents de la famille pour mieux nous comprendre ? Que deviendront les légendes familiales avec tant de documents en ligne ? Comment fonctionneront les non-dits et autres secrets ? Comment sera investi le passé ?

Crédit photo : FlickR CC, Looking into the past par Nomad Tales

>> Article publié initialement sur Psy et Geek

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http://owni.fr/2010/10/27/passes-numeriques/feed/ 2
20 conseils pour les bibliothèques et les bibliothécaires http://owni.fr/2010/10/18/20-conseils-pour-les-bibliotheques-et-les-bibliothecaires/ http://owni.fr/2010/10/18/20-conseils-pour-les-bibliotheques-et-les-bibliothecaires/#comments Mon, 18 Oct 2010 15:17:51 +0000 Yann Leroux http://owni.fr/?p=31923 J’étais jeudi 23 septembre au colloque organisé par la Petite Bibliothèque Ronde. Mon intervention était surtout centrée sur les dynamiques psychologiques du joueur de jeu vidéo, et je me suis rendu compte en écoutant les interventions venant de orateurs et de la salle qu’il y avait aussi beaucoup d’autres choses à dire.

On sent vis à vis des matières numériques des envies et des hésitations de la part des bibliothécaires. Les envies viennent de ce que beaucoup pressentent que le numérique est une matière intéressante à travailler. Les hésitations viennent principalement d’enjeux de pouvoirs : le service informatique renâclent à ouvrir les accès réseau, la mairie veut contrôler la communication de sa bibliothèque etc…

Aucun usage efficace des manières numériques n’est possible dans un tel contexte de contrôle. Les mondes numériques sont des mondes de l’interaction, de la réactivité et de la confiance. Si des personnes ont été embauchées à un poste de bibliothécaire, c’est bien parce que l’employeur considère qu’elles sont compétentes. Retirer cette confiance aux abords des mondes numériques est une erreur qui les empêche de travailler.

Les hésitations viennent de ce que des bibliothécaires ne savent pas par quel bout commencer. Il y a là une réponse simple : il faut commencer par le bout que l’on juge être le plus pratique. L’interaction des mondes numériques suppose que l’on puisse se tromper et recommencer. C’est d’ailleurs sans doute l’indulgence vis à vis de l’erreur qui fait que nous avons en France quelques difficultés avec les usages numériques : notre système éducatif est basé sur l’excellence et toute erreur y est sévèrement sanctionnée.

Les bibliothécaires doivent se rappeler que les matières numériques sont autant d’occasions données à lire. Elles ont là un rôle pédagogique à jouer. Chacune de nos actions en ligne, des “Like” de Facebook en passant par le choix de notre navigateur ont des conséquences, chacune de nos actions en ligne est un acte politique. Les bibliothèques peuvent apprendre aux utilisateurs à interpréter les résultats d’une requête d’un moteur de recherche. Elles peuvent faire un travail de transmission de l’histoire du réseau et de ses cultures.

Mais peut-être est ce que cela reste encore un peu trop abstrait ? Voilà donc quelques conseils que j’aurais aimé donner aux bibliothécaires.

Prenez place sur le réseau

Cela commence à créer une identité en ligne qui sera utilisée sur les différents services de l’Internet. Le nom en ligne doit vous identifier clairement à la fois comme service (vous êtes une bibliothèque) et comme lieu (vous êtes implantée dans une commune et une ville).

Créez des réseaux de professionnels

Allez au contact d’autres bibliothèques et participez à leur travail en ligne en commentant et en faisant connaitre leurs contenus sur vos propres réseaux. Rapprochez vous d’eux sur Facebook, Linkedin et Viadeo.

Privilégiez votre voisinage

Des services comme Twitter ou Foursquare  et bientôt Facebook vous permettent de trouver des personnes qui sont dans la même zone géographique que vous. Ajoutez les à vos contact et suivez leurs publications. Le voisinage n’est pas que géographique : il peut s’agir de communautés d’intérêt. Rapprochez vous des entités qui vous ressemblent : bibliothèques, médiathèques… mais aussi les lieux que fréquentent votre  public : centres de loisirs, maisons de retraite, centre sportifs, hôpitaux,  etc..

Pensez aux lointains

Le réseau vous permet de toucher bien au-delà de votre zone géographique. Cela peut être utile pour des personnes qui sont de façon temporaire ou durable éloignés d’une bibliothèque qu’ils ont aimé fréquenter. Cela est utile à la bibliothèque car elle se met au contact de pratiques et d’institutions qui lui sont hétérogènes. Il y a là matière à enrichissement et à serendipité.

Mettez en place un système de veille

Un système de veille vous permet de rester au contact de l’actualité culturelle telle qu’elle se pratique en ligne et la rapprocher de vos usagers. Utilisez des aggrégateurs de flux comme Google Reader ou Netvibes.

Utilisez différents services

Les publics ne sont pas les même sur Twitter, MySpace, Facebook ou Skyblog. Allez chercher le public là ou se trouve, et installez y votre présence numérique. Certains services peuvent diffuser la même information tandis que d’autres nécessiteront de s’adapter au public que l’on souhaite atteindre.

Publiez régulièrement

Une présence en ligne inhabitée est pire que pas de présence du tout. Publiez, publiez, publiez. Vous avez avec une bibliothèque des ressources infinies. Vous pouvez vous appuyer sur la vie de la bibliothèque : l’arrivée d’un nouveau matériel, l’achat de nouveaux documents, ou encore les animations de la bibliothèque sont autant  d’occasions de billets. Appuyez vous sur l’actualité pour proposer des médias qui permettent de la mieux comprendre. Faites des revues de presse. Si vous ne savez pas quoi écrire, parlez des livres qui parlent de la panne de l’écrivain ou des guides d’écriture.

Interagissez

Donnez la possibilité au public de vous poser des questions et répondez-y. De votre coté, n’hésitez pas à solliciter votre public. Demandez lui de participer, suggérez lui vous faire part de se préférences

Bloggez…

Le blog a été une des locomotives du web 2.0. C’est une formidable machine à penser et  créer des liens. Le blog sera le point de départ et d’arrivée de votre présence en ligne. Vous y publierez des informations générales sur la bibliothèque (heures et jours d’ouverture, … le blog permet de construire une relation avec une audience. Les bibliothécaires pourront y faire valoir leur coups de cœurs

Utilisez Twitter

Avec Twitter, vous pouvez diffuser très rapidement des informations sur votre réseau social. Il est aussi possible de faire des actions flash, limitées à xxxx. Enfin, en jouant sur les hastags, ils est possible d’aggréger des communautés d’intéret et de constituer des mémoires de l’activité en ligne de la bibliothèque.

Créez une page Facebook

Avec 500 millions de comptes, et une progression constante, vous êtes assuré de trouver sur Facebook des personnes intéressées par votre travail. Les pages Facebook sont des pages publiques, elle sont indexées par les moteurs de recherche. Votre audience a partir de cette page ira donc au delà de Facebook.

Donnez le choix à vos utilisateurs

Offrez leur la possibilité choisir entre plusieurs navigateurs, le choix de s’identifier ou non, le choix dans la modalité de l’identification. Donnez leur le choix dans la façon dont il souhaitent prendre connaissance du contenu que vous publiez. Publiez intégralement le contenu dans votre flux RSS afin qu’il puisse être lu en situation de mobilité ou à partir d’un lecteur de flux

Bookmarkez les pages web

Utilisez les services comme Delicious ou Diigo pour faire apparaitre les pages web qui vous semblent intéressantes. N’oubliez pas d’ajouter des mot-clés et un commentaire.

Créez des comptes sur YouTube et Dailymotion

Repérez les vidéo intéressantes et mettez les en valeur en les commentant, ou en les embarquant sur votre Facebook et/ou votre blogue. Liez les à d’autres contenus.

Créez des podcast

Vous pouvez créer des posdcast que vous mettrez à la disposition de votre public sur iTunes et les autres plateformes de podcasting. Privilégiez un format court (3 minutes) afin de  faciliter le téléchargement et l’écoute. Vous pourrez également proposer en podcast les animations qui ont eu lieu dans la bibliothèque.

Jouez

Jouez avec les dispositifs numériques. Essayez. Partagez votre expérience sur votre blogue. Sélectionnez ce qui marche et abandonnez ce qui ne marche pas. Jouez aussi avec les jeux vidéo. Proposez des moments de découverte des jeux ou d’un type de jeu. Créez des équipes de gamers. Inspirez vous de l’exemple de la bibliothèque de Saint Raphael qui joue à Dofus. Inventez : vous pouvez par exemple collecter tous les lieux de Dofus qui parlent de bibliothèque et les rapprocher d’autres bibliothèques passées ou existantes

Encouragez l’utilisation des téléphones cellulaires dans la bibliothèque

Engagez les utilisateurs à utiliser les textos plutôt que la voix dans leurs communication personnelles. Faites en sorte que vos contenus en ligne soient accessibles facilement depuis un téléphone.

Mettez en avant vos usagers

Certains d’entre eux ont sans doute des compétences qu’ils souhaitent partager. Qu’il s’agisse du jardinage, du scrabooking, de la programmation, des voyages, d’une langue étrangère… vous avez sans doute quelques livres sur le sujet. Profitez en pour rapprocher les personnes et les livres.

N’ayez pas peur d’échouer

Dans ce que vous tenterez, certaines choses ne marcheront pas. Ne vous en inquiétez pas trop. Les mondes numériques sont des mondes construits par essai erreur. Profitez en pour essayer différentes solutions et construire votre votre présence en ligne en fonction de vos goûts, de vos habilités, et de vos objectifs.

Gardez en vue un plan d’ensemble

Votre communication sera d’autant mieux comprise qu’elle permet d’avoir un point de vue général sur une question. On pourra ainsi par exemple accéder aux musiques d’un polar sur Deezer, aux lieux sur Google Map, aux sites qui parlent du livre sur Diigo ou Delicious.

>> Article initialement publié sur Psy et Geek

>> Illustrations FlickR CC : Enokson, Pieter Musterd

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Comment Facebook influence les relations parent-enfant ? http://owni.fr/2010/10/15/comment-facebook-influence-les-relations-parent-enfant/ http://owni.fr/2010/10/15/comment-facebook-influence-les-relations-parent-enfant/#comments Fri, 15 Oct 2010 06:30:29 +0000 Yann Leroux http://owni.fr/?p=31649 Avec un demi milliard de compte, Facebook fait partie du quotidien de beaucoup de familles. Comment est-ce que les parents et les enfants font avec cette nouvelle donne ? Comment est-ce que Facebook influence les interactions parent-enfant ? Comment est-ce que la communication sur Facebook influence l’intimité dans les relations parent- enfant?

C’est à ces deux questions que répond une étude de trois chercheurs de Singapour1. La méthode utilisée est celle de l’entretien de 17 couples parent-enfant. Les enfants vont de 15 à 25 ans tandis que les parents ont de 46 à 53 ans. Les sujets sont tous chinois, à l’exception d’une personne qui est indienne. Parents et enfants sont interviewés séparément.

Il y a indubitablement un contexte culturel à prendre en compte. Du point de vue occidental, certaines relations parent-enfant décrites dans l’article apparaissent au moins comme problématiques, mais il est possible qu’elles soient suffisamment amorties par la culture pour ne pas poser de difficulté importantes à l’enfant

Les résultats de l’étude sont très éloignés des craintes que l’on nourrit habituellement à propos de Facebook.

La première conclusion est que Facebook offre un objet de conversation supplémentaire. C’est un objet commun à l’enfant et au parent, et à ce titre il peut aider à la création de nouvelles complicités ou au renforcement de complicités anciennes. C’est Facebook dans son ensemble qui est un objet de conversation, et pas seulement en ce qui concerne le compte de l’enfant ou du parent. On y commente ce que l’on l’on peut y voir. Facebook permet également de se découvrir autrement : “je ne savais pas qu’elle avait autant d’humour. Elle ne me parle pas comme cela à la maison” dit un parent.

Facebook modifie les rapports d’autorité parent-enfant

Facebook est également un espace dans lequel chacun s’assure de ses liens avec l’autre. Le fait d’être accepté comme “ami”, la rapidité avec laquelle l’autre réagit aux update… donne une idée de la qualité de la relation. L’utilisation de Facebook a également permis aux parents de prendre davantage conscience du besoin d’intimité des enfants. L’expertise des plus jeunes change considérablement la coloration des relations parents enfants. Le pouvoir change de camp, ce qui dans la société chinoise qui fait une si grande place au culte des ancêtres est une modification majeure des relations parent-enfant.

Lorsque le lien parent enfant était jugé suffisant par les deux parties, l’impact de Facebook sur les relations était faible. Facebook pouvait être utilisé par un parent pour se rapprocher de son enfant, avec ou sans son accord.

En somme, Facebook est un outil qui permet surtout à ceux qui ont de bonnes relations de les établir également en ligne. Etre “amis” sur Facebook est un signe de confiance envoyé par les enfants aux parents. Coté parent, le site de réseau social fonctionne comme un pont qui permet a deux générations d’être en contact. L’horizontalité du réseau social permet également de réduire la dissymétrie de la relation d’autorité : sur Facebook, tout le monde est dans le même bain, et les même règles s’appliquent pour tous.

Les auteurs trouvent que la vie partagée sur Facebook a un effet positif sur les relations parent-enfant. Elle a permis aux enfants d’avoir un peu plus d’intimité mais aussi elle donne aux parents et aux enfants de nouveaux sujets de conversation et de nouvelles activités partagées, comme naviguer ensemble sur Facebook.

1 Facebook est utilisé par 2,3 millions de personnes et a un taux de pénétration de 48% selon Facebakers[]

Télécharger le PDF de l’étude : Welcome to Facebook – How Facebook influences Parent-child relationship

Article initialement publié sur psyetgeek

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