Lady Gaga: nous sommes tous des “putes blondes”

Le 22 juin 2010

Lady Gaga était de passage à Bercy il y a quelques semaines pour deux soirs d'affilée. Retour sur un phénomène, qui remplit la plus grande salle de Paris bien plus que grâce à sa simple musique...

[NDLR] Ce titre putassier a été choisi uniquement pour que vous cliquiez sur l’article. Il fait également référence au fait que Lady Gaga parle souvent d’elle-même comme d’une pute blonde. En VO, ça peut donner quelque chose comme ça: “I’m just a blonde bitch in a bunch of bubbles. And you know what? I’m OK with that”. Nous aussi.

Comme le tout Paris, je me suis pressée au concert de Lady Gaga. En fait, j’y accompagnais plutôt mon père. Oui, mon père, un homme de 57 ans qui d’ordinaire a plutôt de très bons goût musicaux, m’a traînée voir une gamine de 24 ans, dont au premier abord on pourrait croire qu’elle a certainement des soucis psychiatriques. Et capillaires. Et vestimentaires.

Enfin mince, quoi, mon père, l’homme grâce à qui mon premier souvenir musical est « Back to the USSR », l’homme qui m’a trainait en concert alors que j’étais encore minuscule et qui acceptait de mettre les Pixies en boucle dans la voiture quand on partait en vacances. Mon père quoi. Le choc cataclysmique. Cet homme là aime Lady Gaga…. Je n’étais que déception.

J’avoue, avant ce concert, je n’ai jamais écouté en entier un seul titre de Lady Gaga. Tout comme je n’ai jamais regardé vraiment un clip. Tout cela m’ennuie prodigieusement. Tout comme je ne m’étais jamais demandée ce que Lady Gaga pouvait apporter ou non à la musique. Pour moi, c’était une espèce de folle, en résilles, aux coupes de cheveux dont même la princesse Leia n’aurait pas voulu, qui passait son temps à nous montrer tout ce qu’il ne faut pas porter si tu ne veux pas être ridicule devant des amis.

Après la moquerie habituelle (« Ahah, toi, tu aimes lady Gaga, cette blague »), j’ai voulu comprendre ce qui lui plaisait chez cette blonde déglinguée. Et il m’a dit quelque chose que je n’avais pas vu : « Tu sais, moi ce qui me plait, c’est qu’elle n’a peur de rien, elle va au bout de son truc, elle ose tout ».

En fait, ce n’est pas Stephanie la chanteuse qui lui plait, c’est son personnage Lady Gaga. Lui-même avoue que la musique n’est sympa « que l’été à l’apéro ».

Et c’est vrai qu’après plus de 2 heures de spectacle, le personnage ladygagesque de Stephanie m’a également épatée. Pas la musique. Le personnage. Le spectacle.

Mais qui est véritablement l’artiste ? Stephanie conceptualise chacune de ses sorties, parle de Lady Gaga à la 3e personne du singulier et vit son personnage comme une œuvre d’art permanente. Autour d’elle, une « house of Gaga » travaille constamment sur sa propre mise en scène.

Si Lady Gaga se conçoit comme une œuvre d’art, où est la musique ? La musique n’est elle pas finalement secondaire dans le personnage Lady Gaga. Est-ce qu’on va au spectacle ou est ce qu’on va à un concert ?

La musique était vraiment très secondaire dans son spectacle de freaks. On y voit des vidéos, des décors, des costumes, des chorégraphies, et la musique ne fait que partie de la mise en scène. La musique est finalement en arrière plan…

Le seul moment durant lequel l’artiste pose ses tripes sur scène a lieu quand Stephanie se met au piano, seule, et qu’elle donne ce qu’elle veut bien montrer.

Alors, est qu’au final Stephanie n’est pas condamnée à rester Lady Gaga pour survivre ? J’aurais tendance à penser que le public, son public, ne veut pas de Stephanie. Ils veulent du freak, de la provoc’…Et elle l’a bien compris. Du pain et des jeux…

La musique, au second plan de l’entertainment

Mais cela en dit beaucoup également sur la musique et sa position actuelle dans l’industrie de l’entertainment. D’une certaine manière, la musique devient un medium dépassé. On vit depuis des décennies dans un monde dans lequel la TV, la vidéo, les jeux vidéos et les films dominent largement l’entertainment. La musique joue un rôle très important dans chacun de ses formats mais se situe encore quelque part en arrière plan. Elle est subordonnée aux éléments graphiques, visuels et interactifs.

Il y a toujours eu des personnages, Lady Gaga est loin d’être la première. Kiss, David Bowie, Gwar ont créé des personnages que beaucoup jugeait choquant à l’époque. Maintenant, on a aussi les Black Eye Peas qui s’habillent comme Tina Turner.

Mais peut-on considérer la musique comme un simple outil de divertissement ? La musique a un pouvoir auquel aucune autre forme d’art ne peut prétendre. En l’absence de formes, de couleurs, de visages, de manettes de jeu ou de claviers, la musique est capable d’avoir un impact émotionnel sans pareil sur l’auditeur. La musique a une façon unique de capturer le temps et l’espace, et la capacité de transporter quelqu’un ailleurs dans sa vie.

Mais le fait est que notre culture a changé et continue de changer. Elle devient de plus en plus axée sur le divertissement et moins axé sur l’art.. « Video killed the radio star »

Quel est alors le rôle des artistes ? Doivent-ils pleinement embrasser l’image et le spectacle s’ils espèrent construire ou entretenir des carrières durables. Est-ce que cela signifie qu’il faut accepter la musique comme rôle sulbalterne du cinéma, de la télévision, des vidéos, et de Rock Band ?

Est-ce vraiment mauvais? Peut-être, peut-être pas. Mais cela devient plus difficile pour les artistes qui veulent juste faire de la musique sans grand spectacle autour.

Et puis au final, n’est-on pas tous des Lady Gaga ?

On se cache derrière des pseudos, on réfléchit à notre personal branding, on nous dit de vérifier scrupuleusement ce qu’on laisse sur Facebook, dire tout simplement ce qu’on pense est devenu une marque de courage… Alors est ce que Lady Gaga n’est tout simplement la quintessence même de notre société ? Une mise en scène permanente…

Et puis Lady Gaga est peut être aussi plus la synthèse même de l’industrie du disque. Car est-on face un artiste ou face à quelqu’un qui a parfaitement compris les codes et qui en use ? « I am not another fuckin’blonde bitch » disait elle pendant son concert…

Car à force de la voir citer en exemple partout, pour tout ou rien, ou pire « comme le renouveau de l’industrie musicale », on perd peut être simplement l’essentiel : la musique.

Mais au final, n’est elle tout simplement pas un paradigme. Qui maintenant se présente totalement naturel à la société. A chacune de mes sorties, je fais en sorte que Sarah Jessica Parker ait l’air d’une manouche à côté de moi. Je suis une Lady Gaga. Ce que je montre n’est pas forcément ce que je suis. .. « Popopopo-ker face »

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Crédit Photo CC Flickr :  Q Thomas Bower, Ama_Lia.

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